GRAVITATIONS

AU DESSUS DE LA VIE

 

Semaine du mardi 9 au mardi 16 mai 2000

 

mardi 9 mai 2000

 

Hier j’ai été au cinéma avec mon ami Bruno, nous avons été voir American Beauty.

Aujourd’hui la journée a commencée en soleil, j’ai regardé son lever qui était moyen mais joli tout de même. Comme quoi les belles choses ne sont pas forcément renouvellables à volonté. Elles sont la, disponibles, suffit de se pencher, d’ouvrir les yeux, s’ouvrir. Moi je me souviens de ce lever de soleil où les nuages furent tour à tour roses, oranges, rouges, une vraie symphonie sanguine… Le soleil est un cœur qui saigne, qui réchauffe et illumine la vie de milliards d’individu, je voudrais être un soleil pour illuminer moi aussi les journées de ceux que j’aime, mais je ne fais que saigner et puis c’est pas rassurant. Moi j’ai un destin qui se mord la queue, il se bouffe par la fin mon avenir.

 

Il faisait tellement chaud que je me suis payé une glace. Je ne fais qu’un repas par jour, pas que je n’aime pas me nourrir, mais je m’économise. Ce soir roulade de plie au saumon avec endive, c’est sain, équilibré, bon… comme moi  (enfin équilibré chai pas J )

J’écoute encore l’album des « Elles :Pamela Pacemaker » j’adore ce groupe, j’adore l’écriture de Pascaline.

Puis elle parle de la belle au Bois dormant du 3e type, ça me fait penser à une amie extraterrestre qui vit loin forcément. Moi j’aimerais la reveiller, mais c’est connu, les gens loin sont des gens accessibles par le rêve seulement, alors je rêve d’elle et je m’envole la bas au Quebec…

 

Mercredi 10 mai 2000

 

17h52-26°  comme quoi il peut faire chaud parfois en Belgique, mais la y a du vent, c tres supportable. La nuit est fraiche, j’aime ça, mais j’ai peur de l’été, je suis sûr que je vais encore passer la nuit sur la terrasse. La faune est toujours intéressante dans un métro… Ici, un type est entrain de surligner au fluo vert les lignes d’un livre, devant moi une fille avec des yeux de princesses, c’est à dire tres jolies mais un peu bêtas. Elle se mord la lévre sans arret, mon dieu que c’est moche… Les gens ont toujours une fascinante tendance à s’enlaidire expres, c’est pas rassurant.

 

21h, un ange passe et range le jour dans sa poche… Apres la pizza, nous allons Bruno et moi voir le dernier Claire Danes « Brokewown Palace » Film moyen, sympa, triste, Claire Danes sauve la mise et sa copine aussi. On pense prendre un abonnement au ciné, ça reviendra moins cher.

De retour chez Bruno, je lui montre quelques exercices de musculation à faire, il est rose d’émotion J

Je retourne à mes lectures dans la fraiche nuitée… « Michelstaedter disait que les mots comme les œuvres, étaient des ornements de l’obscurité. Il se tua en octobre 1910… »

 

Jeudi 11 mai 2000

 

Jour shopping avec Bruno. Il fait beau, les gens fourmillent et les rues sont remplies d’une petite animation bien agréable. Même les mendiants ont le sourire, les musiciens de rue sont joyeux, le monde est à la fête.

De notre côté, on a bien évidemment, du retard, et donc 1h30 pour faire notre shopping, vu que les magasins ferment à 18h-18h30

Tee-shirt étranges, matiéres extraterrestres, amidon excessif, laine de métal, mousse, … Les marques Logg et Contemporary sont des vêtements  conceptuels, osés mais pas extravaguants (enfin pas trop, juste ce qu’il faut). Bien entendu, on craque, et puis les prix sont doux (50% de réduction, joie)

Je me retrouve dans un premier temps avec une veste en mousse, un manteau ¾ noir à la texture parafinée, une chemise en papier… Entrevu aussi chaussures à la semelle transparente, chausson typé bois, ensemble blanc alien …

Ce soir ciné, on achéte l’abonnement et on va se regarder « Drop Dead Gorgeous » avec Denise Richards, et la merveilleuse Kirsten Dunst (Bruno est fatalement et nouvellement fou d’elle), je le suis…

Sous la demande de Bruno, je l’initie à la lecture, car selon ses dires il ne lit pas assez… Il vient de commencer un livre sur la vulgarisation neuropsychologique, des anecdotes des cas de folies (l’homme qui prenait sa femme pour un chapeau) Je l’ai lu en des temps reculés. Je vais lui proposer de commencer simplement avec Moorcock, quant à Pierre il lui propose Farenheit451.

Lu quelque part « Lire, c’est chercher des yeux au travers des siécles l’unique fléche décochée à partir du fond des âges ».

Ce soir on me propose de participer à une campagne de pub en tant que photographe pour une société de « services » érotiques. Dans la même heure, une amie m’avoue qu’elle va participer à un film porno, je pourrais tres bien participer, me lancer dans cette voie… NON

 

Vendredi 12 mai 2000

 

Je fais des rêves étranges ces derniers temps, impossible à raconter, ils sont voués à l’oublie… Mais néanmoins, je garde cette sensation en moi, ce souvenir intangible qui me fait penser qu’il s’est passé quelque chose de subtilement curieux. Le mot « rêve » était un mot romain qui signifiait « l’homme qui erre »… J’erre ici et la.

La poule et la vache rêvent 25 minutes chaque nuit, quand à l’homme 90 minutes, par contre le chat, 200 minutes !!! Les rêves de chats sont sans doute des chasses éternelles et souvent couronnée de succes.

 

Je finis par sortir, j’achéte une veste beige, et trois tee-shirt (un avec jungle inscrit dessus, un avec « Ready for 3000 » et un avec une croix rouge-orange qui me fera sans doute passer un jour pour un secouriste). Dans une librairie je tombe sur Fabrice, un demes meilleurs amis que j’avais perdu de vue. Et même si il habite toujours à 10 minutes de chez moi, son boulot, sa vie, son attitude font que l’on se voit peu, trop peu. Je suis content, je lui offre un Quick et nous parlons du passé.

Il me dit qu’il retrouve une chose qui l’avait manqué chez moi, mon odeur. Il m’apprend que mon meilleur ami, un autre Fabrice, ami d’enfance mais maintenant trop distant, s’est marié avec une Japonaise. Il n’a pas prévenu, je suis déçu…

Avant de partir, Fabrice me fait la bise et respire un grand coup l’air qui m’environne, comme si j’étais de la coke. J’aimerais tant être une drogue pour certaines.


Au moment de partir ce soir pour Maastricht avec Xavier et Bruno, nous voyons depuis la voiture un chat mourrant sur la rue… L’arriére écrasé il se traine en bonds lents sur le trottoir. Cette image va nous rester toute la nuit et plus encore. Nous ne pourrons rien faire, notre impuissance nous mine L. Tristesse

La soirée est bonne pourtant, jungle-drum&bass puissante et efficace, nous allons danser toute la nuit, déchainés on ne sera arreté que par la fin du set du DJ qui vers 3h30 remballe ses BPM et nous laisse aux rues tiédes d’une Hollande qui s’éveille.

 

A peine rentré je cours au bout de la rue, mais le chat n’y est plus…

« Demain n’est pas un autre jour. Demain n’est jamais assez demain, demain n’est jamais suffisamment un autre jour, demain n’est qu’un jour… »

 

Samedi 13 mai 2000

 

Il est 6h du mat, je prend une douche, je viens de rentrer, j’ai une ampoule au pied droit, un peu mal. Je me couche et dors peu, je pensais tomber comme une masse mais la masse est plus légére, je maigris. Alors mon sommeil aussi perd du poids, et je me retrouve insomniaque avec mes pensées froides qui m’éloigne peu à peu de la vie.

« Dériver, s’écarter de la rive. Désirer, s’écarte de l’astre »

Il est tard et tôt à la fois, j’aime ces choses relatives, paradoxales. Le jour se léve à peine, le soleil n’est alors qu’une ombre lumineuse au loin, j’ai les yeux qui se ferment et le dos qui tire. Trop de baume pour les muscles, mes jambres frissonent de froid sous l’effet du camphre-mentholé. Etrange sensation.

 

Ma maman vient me chercher à 10h. Je suis levé, j’ai fait la vaisselle (enfin un peu) et rangé ce qui pouvait l’être.

Trois heures de demi sommeil c’est pas top. Mais j’ai une résistance au dessus de la moyenne, je mise sur ça. Ce soir je vais à un concert, festival. Le groupe Autour de Lucie est menée par une chanteuse de charme à l’écriture poétique et parfois incisive. Valérie Leuliot est la fille que l’on voudrait rencontrer, connaître et aimer.

Je connais son groupe depuis environ 10 ans, elle me fascine un peu. A 18h nous buvons un coca, François, Pierre et moi à 3 métres d’elle. Je trouve cela quasi normal, car les gens sont des gens apres tout, du moins en apparence.

 

Début de festival émouvant et riche. An Pierlé fascine, je ne m’attendais pas à découvrir une telle chanteuse. Je me demande si elle est belge, elle parle franco-flamand, mais apres tout elle peut tres bien être Hollandaise. Elle chante avec un piano éléctrique en accompagnement, on dirait Tori Amos croisé avec Sinnead O Connor de la bonne époque (la premiére). Les groupes suivants sont fadasses à mourir. Tahiti80 soit disant exceptionnel et qui remporte un succes digne d’éloge au Japon, nous laisse froid. Le chanteur sans charisme, sans talent et sans mélodie nous fait deserter au bout de la 3e chanson.

Assis dehors, je regarde un groupe de jeunes complétement bourrés, l’un se dispute avec sa copine, manque de la frapper, j’étais prêt à intervenir. Apres tout ils ne sont que six… C’est étonnant comme ma théorie se vérifie, les mecs cons et bourrés ont toujours une copine. Comme si l’amour s’écartait des gens bien, comme si l’amour avait besoin d’un receptacle creux pour mieux résonner. Apres tout, on est peut etre rempli de trop de choses, plus de place pour d’autres sentiments.

 

Autour de Lucie…

Valérie a fait aussi son journal de bord dans les Inrockuptibles (Revue française culturello-intellectuelle). Le Lundi : « Comme un dimanche mais en lundi »

Jeudi : « j’achéte des fraises au marché que je déguste en ma balladant. On me dira deux fois « bon appétit ». Vendredi : « Mon téléphone portable est tombé dans les toilettes. Il a rejoint son milieu naturel. Une fois repéché, je vais le changer. Nouveau téléphone. Où finira t’il celui là ? En partant, le vendeur me dit « Voilà, vous êtes libre maintenant »… Comme si je sortais de prison » - Elle est bien cette fille J

 

Dans une des chansons elle prone la lenteur, le fait de profiter de la vie « Dehors je déambule, bousculée par des gens, qui disent qu’il faut faire vite, ne pas perdre de temps… lent lent… Plus ça se précipite et pkus je prend mon temps, car ma vitesse limite est le flux, le flux de mon sang… »

 

dimanche 14 mai 2000

 

Apres avoir passé la nuit avec Pierre et François, successivement regardé le début de Nowhere (mon film culte de Greg Araki), ainsi que des clips de Suzanne Vega.

Je vais me coucher à 9h pour me reveiller doucement à 14h… Je végéte et somnole jusqu’à 18h30 environ. Je vais encore passer une soirée entre la télé et internet, j’espére y voir Carolune.

 

J’ai derniérement fait une commande chez Lush, savons, shampoing naturel et un deo solide. Je suis assez satisfait J

Vu que c’est dimanche, et que je fais rien de follement passionnant, j’en profite pour vous donner quelques textes des Elles (de Pascaline Herveet)

« Dans les couloirs immenses  De l'hôpital des fées  Moi j'administre les sourires  Plutôt que les médicaments  Je dors avec les enfants bulle

Les nounours en peluche  Étouffent sous les plastique. »  « Le jour ou les tyaux de la déesse science Pomperont son esprit et doperont son corps Je serai là pour l'emmener

Le jour et le moment ou il voudra partir  Je tiendrai ma promesse Armand  Je tiendrai ma promesse » « tu n’es qu’un mauvais coloriage, je te regarde mourir… »

 

J’adore…

Je regarde les infos people à la télé. C’est étonnant toutes ces stars, le besoin d’idole qu’on a. Les héros mythologiques sont devenus soit des icones (Jim Morrison, Elvis, …) soit des héros du petit écran (Bruce Willis, Johnny depp, …). Mon PC est rempli d’images.

 

Etre de nulle part, c’est être partout. Je dois encore écrire cette lettre à Gaétane, envoyer un cd-rom du petit Prince à Caro, préparer le programme de la semaine. Je pense aller au théatre voir « En attendant Godot ». Sabrina et Bruno viendront sans doute, peut être d’autres personnes… Je n’en dirai pas plus ici J

 

lundi 15 mai 2000

 

Il est 5h25 am, je suis sur irc à poser la question du pourquoi ce journal… Je cherche à succiter des réactions et à répondre à cette intérrogation. Pourquoi faire ceci ? Je me suis tout de suite tourné vers Cain qui est quelqu’un de sensé et refléchit, de bon conseil et plein de bon sens. <Cain> ton coté "citation" au depart ca faisait curieux par ex…  En tout cas, j’ai toujours fait ça, je trouve que c’est un moyen de partager mes lectures ou les belles choses qui me passent sous les yeux.

 

Je viens d’apprendre que An Pierlé est une artiste qui vient d’Anvers, son album Mud Stories est déjà sur ma liste des prochains achats.

 

Apres-midi :

C’est marrant les dépistages de tumeurs… ça fait un de ces mal de crane. Enfin actuellement tout me fait mal à la tête. Dans un sens on à l’impression de passer un systéme antivol pour voir si on a rien pris, alors que la c’est l’objet qui vous vole. Comme quoi ce qu’on gagne d’un coté on le perd de l’autre. J’ai amassé une fortune, je suis à l’abri comme on dit… A l’abri de tellement de chose que je m’y sens comme une prison. Un enfant bulle dans son petit monde doré, un enfant assez grand pour comprendre que l’éclat n’est qu’un reflet et que la dorure est un mauvais plaquage. N’allez pas croire que les choses sont si morose, dans un couloir d’hopital on peut tres bien rencontrer une fille d’1m65, blonde, le regard triste qui regarde par la fenêtre.

 

mardi 16 mai 2000

 

Journée un peu molle… J’ai travaillé à mon site, regardé vaguement la télé, rien de fantastique. Une vie à laquelle je ferais mieux de m’habituer, car à partir de lundi, j’ai toutes les raisons de penser que je vais être confronté à la grande solitude J

Bruno va être engagé à la RTBF comme ingénieur du son, son horaire est paraît il tres irrégulier, pouvant s’étendre le samedi et dimanche aux heures les plus sordides.

Bref, me voici confronté à ma solitude… Et quand je disais que les amis ça va ça vient, c’est pas un vain mot, c’est la vie. Le pire c’est que je suis assez content pour lui, il va gagner sa vie, peut être rencontrer quelqu’un de bien, bref faire sa vie de son côté.

Une vie superbe et terne à la fois… Dans la nuit de lundi à mardi Carolune m’a envoyée une copie de son écran, où il y était inscrit : « Je suis mille fois plus belle que Laetitia Casta, j’ai de belles dents moi !… » En tout cas je sais qui je choisirais entre les deux J  et puis je pense que j’ai passé l’âge de me complaire devant l’aspect extérieure, je ne suis plus un de ces ados boutonneux qui priapise à la seule évocation d’une Casta ou d’une Britney. J’ai gagné quelques valeurs apres ces années, mais est-ce les bonnes ?

Apres tout, les filles ont l’air de préférer les cons, des mecs qui se battent, crient, boivent jusqu’à en vomir et rotent jusqu’au sang.

 

Fin de soirée, nuit… C’est une petite Caro toute triste que j’ai eu sur irc ce soir. Elle en a marre, elle a peur, ne supporte plus certaines choses, se sent mal… J’aimerais tellement être à ses côtés, et même si je le suis par le net, ma présence semble minime. J’ai osé lui envoyer une photo de moi, chose que je ne fais jamais et elle m’a trouvé bien, c’est étrange la vie parfois. Comme dit le proverbe, « plus quelqu’un vous aime, plus il est loin ». Un jour je devrai faire le voyage je pense, l’envie y est mais vais je le faire ? La question reste…

 

Avant d’aller dormir je tombe sur une phrase dans un livre de Pascal Quignard « Vie secrete » :  Les papillons, qui sont des symétries de fleurs, les fécondent par pure fascination »… Je voudrais être un papillon pour arriver jusqu’à la-bas, mais les gens aiment les papillons qu’épinglé sur un liége, les belles choses ont veut les épingler pour les regarder, on les possédent mais elles sont mortes… Moi je ne posséde rien de mort, tout m’échappe mais dans un tourbillon de vie.

Caro t’est mon pti tourbillon du soir et je te dis bonne nuit J