Mercredi 26 juillet 2000

 

I'd really like to stay here all night / J’aimerais vraiment rester ici toute la nuit
The cars crawl past all stuffed with eyes /Les voitures passent en rampant toutes remplies d’yeux
Street lights share their hollow glow / Les lampadaires répandent leur lumière creuse
Your brain seems bruised with numb surprise / On a le cerveau comme meurtri par une surprise engourdie

                                                                                                                                      (The Doors – Soul Kitchen )

 

C’est étrange parfois comme les choses tournent… Je reste des semaines à me morfondre seul dans mon petit appartement, puis me voilà à une soirée avec 8 personnes…

Il y avait une Audrey magnifiquement gothique, avec ce qu’il faut d’expression sur le visage pour détourner un orage, puis des yeux à vous déchirer l’âme. Comme si le fait de s’appeler Audrey donnait une sorte de pouvoir sur les choses et les gens. J’aimerais m’appeler Audrey pour avoir ainsi la beauté et le privilége du charme qui dure.

 

Alors je pensais à l’autre Audrey, la fille trop belle qui aime Baudelaire, celle dont on me parle et que je ne vois jamais, celle qui est sur toutes les bouches et qui ne laisse qu’entrevoir des mots parfois ou des sensations. L’Audrey d’aujourd’hui est Française, région parisienne, a un mec, une sœur qui écoute Britney Spears et un sourire mutin comme j’imagine celui d’un elfe.

 

Pourquoi je n’arrive pas à me défaire de l’attirance que j’ai pour les filles ? A un moment, il y a trois ans apres une grave dépression, une forme de suicide car j’avais arreté de m’alimenter et j’attrapais une tétanie musculaire, j’avais parlé au medecin de ma théorie de la chimie amoureuse et lui demandait quels étaient les moyens médicamentaux voire chirurgicaux pour bloquer le désir. Rechignant à me répondre, il m’a quand même indiqué au bout de quelques demandes répétés, quelques solutions, une sorte de camisole chimique avec effets secondaires désagréable… En finissant à la blague par me décrire une forme de lobotomie. J’étais prêt à aller jusqu’au bout, je serais enfin heureux et débarassé de cette malédiction qu’est le désir. Mais peu à peu, j’ai repris goût à la vie, j’avais un ami qui m’entrainait dans plein de soirées, on logeait chez une amie, on formait un petit club à trois… Puis cette fille a disparue sans laisser de trace et cet ami vit à 10 minutes de chez moi dans une sorte de souffrance permanente où je n’ose même plus mettre les pieds, de peur d’y prendre goût et de me laisser couler.

 

Et le désir vient de temps à autre, surtout quand je marche en rue, observant les gens, parfois je passe mes journées sur un banc à noter des choses, à décrire ce qu’il se passe, à voir des couples s’embrasser en me disant que cela ne m’est pas permit, que même si je le voulais je ne saurais pas. Et ça me manque, j’ai cette impression d’anormalité qui me hante, comme si les sources du bonheur s’étaient taries en moi ou avaient été comme un gisement précieux se terrer bien au fond.

Je me dis sans cesse que des projets restent en chantier, puis j’aime ne pas tous les continuer ou les finir, ça me laisse quelque chose à faire de ma vie.

 

Je voudrais dire à tout le monde que je suis heureux, et souvent je le dis, pendant tout un temps d’ailleurs je le clamais haut et fort, mais personne ne me prenait au sérieux, c’est dur d’être crédible parfois. Le bonheur c’est suspect J

 

En somme plus que jamais je me sens un peu perdu dans ma vie, je ne suis pas mal, pas malheureux dirons-nous, même peut-être pas loin du bonheur… Mais pourant il me manque un je sais pas quoi, un pti truc qui pourrait me projetter la dedans. Je cherche, je cherche, je cherche… Il est 5h38 du mat, plus l’heure de chercher, d’ici quelques heures je vais me coucher. Bye ici J Portez-vous bien

 

9h37

Je ne sais pas comment exprimer ce que je ressens, c’est fort. Je suis à la fois content et lache d’etre heureux, mais anxieux aussi. Tout cela se bouscule dans ma tête, je ne peux en dire plus… Pas ici.

 

jeudi 27 juillet 2000

 

Alice fait sa nuit dans des villes enchantées et elle se reveille au matin sur des terres brulées … Alice se sort de la faille et revient à sa taille alors le monde entier redevient normal, alice est comme ça  (Noir Désir – Alice)

 

J’en avais envie depuis longtemps, et l’occasion était trop belle, je l’ai prise…

Vous savez, avant du temps du courrier il fallait du temps, un temps qu’on a plus ou qu’on ne veut plus avoir pour ces choses, les paroles s’envolent et les écrits restent, puis l’intermédiaire s’envoit par email J

 

J’ai remercié le pére d’une amie d’avoir fait ce qu’elle est, de la comprendre et d’être toujours fier de ce qu’elle est et de ce qu’elle sera… Même si c’est un peu redondant, car au fond de moi je sais que cet homme applique déjà à la lettre mes conseils et je lui en suis reconnaissant. Enfin ça me rappelle Martine, la où je téléphonais à sa mére et je réalisais que c’était un peu elle, alors je l’aimais. Nous nous parlions, nous nous comprenions avec toutes nos différences et notre entente était si intense…

 

Je vais vous avouer quelque chose, je pense que le bonheur c’est quelque chose d’invisible que quelqu’un transfuse à quelqu’un d’autre par un fil imaginaire. En ce moment je suis heureux grâce à elle. Juste en sachant qu’elle existe, qu’elle sourit et qu’elle aussi est heureuse, sans doute pas grace à moi mais un pti peu et c’est deja beaucoup de faire partie des mécanismes d’un bonheur de quelqu’un, ça apprend à sourire et à être bien, en harmonie.

 

 

Vendredi 28 juillet 2000

 

La vraie poésie ne veut rien dire, elle ne fait que révéler les possibles. Elle ouvre toutes les portes. À vous de franchir celle qui vous convient (Jim Morrison)

 

Une boite d’ombre dérive sur un océan, plus je m’en éloigne et moins je la vois… Alors sous un ciel d’encre, le reflet mouvant des étoiles se fige et me transforme en particules d’air. Je suis bulle d’oxygéne, et je navigue loin.

 

Je ne veux pas te soumettre, je ne veux pas t’infliger, je ne veux pas te changer…

Tu es espace en devenir, brume en mouvement et tout ce que tu seras me donnera à sourire, à être bien.

Les larmes sont des buées qui feront plus tard, le temps de monter, ces nuages qui nous font nous extasier et nous rendre bien.

 

samedi 29 juillet 2000

 

Dans la meilleure des hypothèses, le monde n’est qu’une vaste collection d’individus s’efforçant de simuler un bonheur qu’ils n’éprouvent pas. Samuel Johnson.

 

[04:26] <carolune> la lune est assez grande pour deux personnes

[04:27] <Night04> moi je voudrais qu'elle soit toute petite pour etre tout contre toi :)

 

Eveillé au milieu de la nuit, dans l'impossibilité de me rendormir, je m'en consolais en me disant que ces heures dont je prenais conscience, je les arrachais au néant, et que, si j'avais dormi, elles ne m'auraient jamais appartenu, elles n'auraient même jamais existé.» Cioran

 

Les gens ne cessent de vous juger, de vouloir vous changer, de dire ce qui est bien ou mal, car chacun a sa définition et aime se faire entendre pour exister. Je ne suis pas si différent même si sans cesse je veux l’être pour devenir meilleur. Nietchze abondait dans son mythe du surhomme, un homme débarassé de dieu et somme toute débarassé de ses attaches tant matérielles qu’immatérielles. Mais être surhumain ne nous implique pas non plus dans une déshumanisation de l’individu, une délivrance Bouddhiste où l’homme débarassé de ses désirs se débarasse de ses souffrances… La voie du milieu est longue et périlleuse, toujours en faire trop ou pas assez.

 

J’ai longtemps eu une vision mystique de la vie. Mon ex et moi avions un tas de théorie sur la question. Nous pensions que les gens, étaient avant tout des façades qu’animaient des petits êtres, apres tout les individus sont une masse d’energie dense qui vibre à la même valeur que son environnement. Donc tout ce que l’on voit, est une interprétation de ces énergies. Une personne n’existe que par interprétation de notre cerveau, variez cette donne et elle disparaît, elle n’aura jamais existé. On a dit aussi que l’autre était une extension de nous-même, donc qu’il fallait le considérer comme notre frére. Tous les hommes sont freres, et vous êtes tous les fils de mon pére. Nous provenons tous de la même energie et nous somme donc malgré nos différences égaux. Cette théorie a ses bons cotés et ses mauvais cotés.

 

J’ai été à une soirée, c’était dans une galerie désaffecté de l’ancien métro. La sono était relié à une batterie de voiture, l’ambiance y était bonne, sympa. Je regardais les gens danser, vivre, s’embrasser parfois, se toucher soit la main, l’épaule ou s’enlacer. Et je les sentais profondément heureux sur le moment. J’avais envie de connaître ces sensations, me délivrer de ce rôle de spectateur… Mais je suis un trop mauvais acteur, comment pourrais-je étudier le comportement des gens si je suis moi-même dans la masse, il me faut le recul necessaire. La recherche et l’art demande parfois des sacrifices. Mais je sais que j’arriverai à quelque chose.

 

C’était intéressant et puis j’ai bougé ça me fait de l’exercice. Je ne vais à une soirée que si je peux faire de l’exercice ou rencontrer des gens intéressants ou apprendre quelque chose. C’est comique, parfois on revoit des gens qu’on a vu à d’autres soirées, mais rien ne se passe, les gens vont la pour danser pas pour parler. Pourtant on essaie, mais on voit les gens se détacher, se distancer, sentir cela comme une agression. D’ailleurs les fois où l’on a essayé, ça c’est soldé par un « nous avons déjà notre cercle d’amis »… Comme quoi si on n’a pas de cercle on entre pas. Reste à se blinder contre cela, se transformer, se protéger.

 

Emmène-moi danser
Dans les dessous
Des villes en folie
Puisqu'il y a dans ces
Endroits autant de songes
Que quand on dort
Et on n'dort pas
Alors autant se tordre

Ici et là

Et se rejoindre en bas
Puisqu'on se lasse de tout
Pourquoi nous entrelaçons-nous ?

                        

                                                  (Noir Desir – Les Echorchés)

 

Ceci résume bien des choses. Puisqu'on se lasse de tout Pourquoi nous entrelaçons-nous ?… Pensez-vous qu’on puisse se lasser un jour des gens que l’on a aimé ? Pensez vous qu’un amour de loin puisse planter ses racines dans votre inconscient ? Savez vous la douleur d’être seul et sans amour ? Savez-vous comment stopper cela ?

Etre mort ? Déjà mort ? Ne pas se laisser atteindre comme disait une amie, tu dois être un mur, rien ne doit t’atteindre… Derniérement on me l’a ressorti, tu es un mur. Mais les gens ne laissent jamais d’explication sensée. Ils se permettent de sortir des choses sans les expliquer, donc pour moi cela n’a aucun fondement. Mais vous savez, les attitudes que l’on peut avoir intéragissent sur l’entourage, et le fait vivre, lui donne matiére à débat. Les gens aiment les gens qui vont mal pour de multiples raisons, le torturé est le héros de tous les temps. Regardez les livres ou les films qui marchent bien ou les chansons, ce sont les plus tristes, les plus dramatiques qui ont le plus de succes. Car les gens aiment sentir un écho à leur souffrance et se dire que quelqu’un souffre plus qu’eux, ça les rassure. Puis ils ont envie d’aider ces gens pour peut etre pas réussir mais trouver une alternative, se rendre utile, vivants et surtout exorciser son mal.

 

Dimanche 30 juillet 2000

 

C'est parce qu'on a cru entrevoir l'éternité dans le regard de la femme désirée qu'on se réveille chaque matin dans le lit de Procuste* : amputé de ses rêves, mais ajusté aux dimensions de la réalité.
(Roland Jaccard - La tentation nihiliste, p.15, Quadrige/PUF,n°126)
*Brigand légendaire de l'Attique qui dépouillait et torturait les voyageurs. Il les étendait sur un lit et raccourcissait ou étirait leurs membres à la mesure exacte du lit (lit de Procuste). Thésée lui fit subir le même supplice.