lundi 20 novembre 2000

Aussi grand que soit un trou, il y a toujours quelque chose autour. (François Cavanna)

Rien n'a rajouter, je ne m'en souviens même plus. Une journée sans doute comme une autre où les songes se réunissent en un lieux où l'on ne peut plus mettre la main. Alors on ferme les yeux et on essaie d'oublier le rêve d'avant en attendant le rêve prochain, celui qui viendra secouer demain pour vous remonter et vous faire tenir droit en vous.

On pourrait passer du temps à mesurer les terminaisons nerveuses d'un corps, on arriverait à des kilométres, une sorte d'autoroute de l'information faite à notre image. Mon désir circule, il va loin, illuminant les nerfs qui sous ma peau se cachent à ton regard, tout travaille dans le noir, sans guide, suivant le tracé, jusqu'au cerveau qui s'allume et te voit à nouveau.

Mardi 21 novembre 2000

Une légende raconte que chaque homme a au-dessus de l'épaule un démon féminin et chaque femme un démon masculin. Ce sont les démons du désir, souvent sous la forme d'un papillon rouge, ils se laisse appercevoir toujours par le séduit et jamais le séducteur. Sommes-nous tellement aveugles à ce que nous sommes ? Impropres à nous voir, à nous apprécier, toujours à favoriser le côté malsain, comme pour se racheter d'être en vie, tenter un peu de mettre le pied de l'autre côté, avec une envie de saut qui taraude.

Mes rêves sont flous en ce moment, comme si l'idée de cette opération des yeux me rendait myope dans le rêve et sain dans la vie. On transporte souvent ses ennuis dans les rêves, peut on transporter des maladies, qui a l'abri du regard peuvent germer et mûrir. Comme la planéte du petit prince envahie de racines de baobabs... Une maniére de nous dire que si l'on délaisse un peu trop son corps certaines choses viennent vous rappeler qu'il faut reprendre les choses en main avant que le poids de l'arbre vous écrase.

Cela faisait quelques temps que je n'étais plus sorti de chez moi, une semaine et demi environ. Pourtant à y penser deux fois, j'ai tendance à le regretter même si les souvenirs sont bons et vivants. Bruno m'a ramené à sa réalité, comme quoi je n'avais pas de vie, que j'étais vide... Martine le disait d'elle même il y a 2 ou 3 ans... J'ai du la remplir de tous mes espoirs les plus fous pour me retrouver vide à ses côtés, on dirait une sorte de vampirisme passif... Son image se bouscule encore dans ma tête, mélangée à tous les reliquats du passé. Dorothée s'est mariée, a un enfant, une vie de famille, où en est sa vie ? Continue t'elle d'écrire, de rêver et de fabriquer ses tournesols en plastiques, des mini soleils pour la nuit... Des soleils qui brillent pas vraiment, mais laissent en moi des brûlures charmantes, douces.

L'avenir se dessine, je traverse la piéce, elle me voit dans le néant, alors je m'approche et elle tend les mains. J'attend de mieux y voir pour sauter.

Mercredi 22 novembre 2000

Sic ego non sine te, nec tecum vivere possum

Petite hypnose. Perdue au fond de l'océan, dans le palais de la perle. Un goût d'orange dans la bouche qui passe dans une autre plus lointaine. Transmission de pensées, goût, saveurs, instinct, fantasmes en suspention ... ... ... Welcome to the radio dark night...

Dévier la course des étoiles vers la mer. Dire ce qui vient, replonger et se languir de l'un, de l'autre. Inventer des histoires abstraites, qui accompagnent des objets de l'au dela. Au creux des caresses qui comme des interêts bancaires grandissent pour alimenter une caisse souvenir qui explosera un jour.

"Sic ego non sine te, nec tecum vivere possum" : Ainsi je ne peux vivre ni sans toi ni avec toi...

Jeudi 23 novembre 2000

Turbulances, pluie diluviennes, avenir incertain, vent qui pourrais m'emporter et toi qui vit la-bas, de l'autre côté du vent...

L'automne tombe bas cette année, attaquant les couleurs du monde pour les remodeler, dans un marron tiéde qui alourdit les trottoirs. Et ces feuilles tournoyant dans la brise, une ronde de sylphes jaunes orangés, un pti tour et puis s'en vont, avec elles le souvenir d'une saison s'en va, tournez la page, n'en jettez plus.

Sous la pluie sourde m'entends-tu ? Respires tu le même parfum de l'hiver qui s'avance, qui glace nos nez et brûle nos joues ? As-tu déjà un peu tes mains dans les miennes ? Connais-tu la caresse de la nuit, quand elle t'enveloppe et te laisse imaginer son regard ? Traverses tu chaque soirs les océans avec un peu d'espoir, de rêves et de passion ? Martelleras-tu la porte du mois qui vient pour qui s'ouvre plus vite vers le mois suivant ? M'appeleras tu quand mes yeux seront flous de ne pas assez te voir ? Me regarderas tu quand janvier aura allongé ses jours et vieillit nos souvenirs ? M'aimeras-tu encore quand l'hiver sera passé ?

J'espére ne jamais être au bord de l'effacement...

Vendredi 24 novembre 2000

On oublie toujours que le monde est un paradis et tout encourage à l'amnésie (Douglas Coupland - Microserf)

Chloramphenicol, Aculare Collyre, Xanax, Cataflam, Dolzam... Les mantras post modernes pour y voir plus clair. Quand manger des carottes ne suffit plus, aux grands maux les grands remédes.

Derniére livraison des visions troubles, l'aventure commence et alors elle les rouages du destin qui crissent et fredonnent une mélodie industrielle, répétitive et pleine de promesses...

Nous sommes embarqués...

Lundi 27 novembre 19h... et la suite des avetnures extra-occulaires

Je résume, ces derniers jours, nous sommes aujourd'hui samedi 2 decembre et il est 4h50 du matin... Je n'ai pas perdu mon habitude à me lever tôt ou à faire de mes nuits des choses petites, brèves et remplies de songes mystérieux (même si la morphine se révéle un puissant catalyseurs de rêves étonnants). Mon opération s'est plutot bien passée, l'idée qu'on me sculpte l'oeil au laser avait longtemps été pour moi quelque choque que j'avais accepté, j'ai même trouvé assez amusante cette odeur de brûlé, comme des cheveux qu'on crame... On ne dit pas ça dans les articles sur la PRK.

C'est le mardi et surtout le mercredi que l'on commence à souffrir, comme si une lame de racoir découpait l'oeil jour et nuit et ça malgré les collyres et le dolzam (dérivé morphinique, puissant anti douleur). Jeudi ça va déja un peu mieux, alors qu'on me retire ma coque protectrice, pour mettre l'oeil à nu (mon épythélium n"étant pas reformé, l'oeil est à vif, comme si il avait été gratté avec un papier de verre, à vrai dire c'est presque ce qu'on fait pour l'opération vu qu'on met une goutte d'alcool à 60° dedans et qu'on frotte). Nous sommes donc samedi et j'ai arreté les médicaments, je n'ai plus mal, je sens juste un picotement ou une brulure de temps en temps et cette impression de cil dans l'oeil, mais on s'y fait. Je ne constate pas encore de différence flagrante, sauf que l'oeil opéré me donne une vision floue, je vois des ombres colorées, et absolument rien de pres. Je suis quasi aveugle et me déplace à tatons... C'est assez comique et enrichissant comme sensation. Mon deuxiéme oeil est opéré le 11 decembre. Voila pour les nouvelles...

Samedi 2 decembre...

J'avais décidé, malgré mon état, d'aller au vernissage le plus en vue de ces derniers mois. Je pressentais que je ne pouvais rater aucune opportunité de rencontrer des gens et de me refaire un parterre d'amis ou du moins de connaissances. Pourtant, à l'arrivée, un groupe d'artistes ou du moins de personnes trouvant chic de s'habiller le plus miséreux possibles et étant moins intéressant qu'un bidon de Palmolive sans adoucissant, lavant les espoirs et dégraissant l'avenir... En bref, cette soirée a été celle des regrêts, je n'ai su parler à personne, tous perdu dans leur petit monde fermé, ne pensant qu'à boire, fumer ou discuter dans leur coin. Aucune ouverture, je vous laisse votre petit monde enfumé et m'en vais voir ailleurs... Sur ce, j'entend dire qu'un autre vernissage se fait vendredi prochain...Dois-je y aller ? Je ne sais plus quoi faire pour rencontrer des gens, je me demande si ces soirées et mes nombreux amis n'appartiennent pas définitivement au passé, comme les passions, l'envie et l'amour.

Lundi 4 decembre

Mon lointain est flou dans tous les sens du terme, même si j'ai des étapes importantes à réaliser cette années. Une année chaniére en quelque sorte, où je pense me sortir de cette situation dans laquelle je me suis enlisé depuis maintenant quelques années. Si j'ai été si virulent par rapport à ma soirée calamiteuse, c'est que j'y avait misé beaucoup de belles espérances, voulant par un positivisme forcené nier l'eventuel échec. Pourtant flagrant, cinglant, il me lamine et me dit que le desespoir est parfois une réponse dans un moment un peu douloureux, mais que l'instant d'apres ce positivisme ultérieur repointe le bout de son nez et le noir devient gris voir bleu, vert ou orange.

Même si ce positivisme dont je me gargarise depuis quelque temps est sans doute du à un long travail sur moi-même, je ne peux tout de même pas occulter l'influence de quelques personnes, dont toi qui même à distance arrive à me faire sourire et me dire que ce que je croyaias mort peut renaître. Je n'ose imaginer ce que tu me ferais si cette distance passait de km en millimétres... Nous devons sans doute faire confiance à notre bonne étoile, même si le symbole parait dépassé, il suffit de lever la tête jusqu'à ce qu'elle tourne...tu connais la suite... on choisit une étoile et on s'imagine jour apres jour plus proche, et ça commence à raccourcir, jusqu'un jour où l'on se dira que demain sera un jour différent, où les distances auront mutées et que bientot ces mains qui tappaient sur un clavier seront l'une dans l'autre, comme une connection beaucoup plus intense que celle que la technologie peut nous offrir actuellement.

Plus loin, quelque part, en un temps déchu, novateur, remplis d'espoirs à demi-nés...

Samedi 16 decembre 2000... Les jours pleuvent, coulent, chavirent et naufragent, regardent en arriére et se disent que tout ce temps est loin et que quand l'hiver arrive, le printemps n'est jamais loin.

Les débuts ont toujours la beauté des oeuvres fraîches, scintillant de leur insouciance sous le soleil chatoyant de leur primalité, offrant à l'envi le merveilleux spectacle des choses nouvellements acquises qui par fierté naturelle aime à se montrer, à se découvrir par/dans le regard de l'autre. Exerçant son pouvoir, sa petite science du miracle et l'audace aiguisée des temps nouveau, le regard s'installe dans les orbites pour donner à voir un monde nouveau qui apelle et apparait petit à petit derriére une brume opaque, surnaturelle et laissant peu à peu son obscurantisme au souvenir.

Demain les lendemains chanteront, comme Radio-Paradis, laissant échapper le big beat entrainant les coeurs et les corps, raccordant les âmes aux coeurs et les souvenirs anciens aux souvenirs proches voir futurs. J'aimerais t'entendre respirer, gagner ton souffle, l'imiter pour être ton souffle, je serais l'echo et ta respiration serait l'echo de mon echo, nous serions l'un pour l'autre, raccordés, purs et conscients.

Des chansons tristes, une poignées de jours, un mois arrive chassant l'autre, apres la pluie, la neige, des jours heureux et un vent à décrocher l'âme. L'être ne se forme que des choses que l'on se souvient à moitié, le passé nous construit et l'avenir nous recompose au choix. Reste le vif espoir de changer, en mieux, faute de mieux, garder l'impraticable instant où l'on fut détruit pour en faire un tremplin plus qu'un échec, dominer la fuite, construire l'échappatoire dans les bras et le coeur de celui qui veille. Une petite ombre dans la nuit dont les yeux regardent sans voir, avec un souffle unique et un coeur que l'on peut entendre percuter doucement si l'on s'approche très très près...

Etre la clarté marginale, la pierre d'achoppement, le but dans un néant brillant, une petite porte de secour avec promesses à la clefs, des secrets divisés, de la mélancolie affinée au coeur des nuits, des voix lointaines qui réjouissent, des dessins d'enfants, des singes, des serpents de 6 miles, longs, froids, sorte de ligne médiane, fil de fer, de cuivre, transposant nos émotions, notre devenir et nos tendresses acidulées, nos peines aussi parfois avec la volonté de les assainer, les oublier, les soigner doucement, comme on peut. De l'innocence falsifiée en cours de route, du retard à rattraper, des oraisons funebres, une créature aveugle, les faveurs d'un poétes, des cris d'enfants, des amandes sous plastique, le divertissement du désir et de la passion, les rêves du sud malmenés par la froideur nordique, aimer la cohabitation des deux pôles, réunir les opposés pour en faire des compléments, ce qui me manquait ne manque plus.

Tu es célébre par le monde, tu habites partout, ton regard balaie et nettoie le monde, neuf il revigore tes anciennes energies. Dépasser le rationnel, guérir les corps, impregner les villes, les lits, imposer la loi, le joug hormonal, la chimie amoureuse. Reconnaitre ce qu'il reste à prouver dans le regard d'un parfait inconnu qui demeure celui qui compte, qui regarde sans voir mais qui travaille à voir loin. Pour déplacer le regard il faut déplacer tout le corps, pour être heureux, il faut déplacer le coeur d'un cran, pour qu'il entende les battements de l'autre et pour qu'il s'accorde un temps, et intégre le petit monde des joies futures.