Jeudi 1er juin 2000

 

Les récits des voyageurs, qu’ils aient pour but de divertir, d’informer, de dénoncer, etc. sont toujours des récits perdus, que l’on oublie, dont on ne retient finalement que des fragments et qui ne se stockent nulle part. Repris et répétés, ils circulent pendant un temps puis disparaissent. Personne, s’il lui arrive d’y repenser, ne s’intéresse au fait qu’il a pu lui-même, un jour, en être la source. Gilles Tiberghien dans « Le principe de l’axolotl »

 

Je rêve d’être un axolotl, c’est gentil et puis c’est follement étrange. Même le nom ne vous dit rien, il a une consonance un peu barbare, puis il ressemble un peu à une onomatopée un peu assourdie ou à un médicament oublié. L’axolotl est en fait une sorte de salamandre géante, c’est la race albinos la plus étrange, elle ressemble à un fœtus extraterrestre, et ça atteint une taille adulte en moins d’un mois. « Je suis axolotl dans son milieu naturel »

 

Hier soir le monde était triste, il y avait comme une grisaille qui passait sur les yeux de chacun, ce qui les rendaient mélancoliques, mais vous savez pas cette mélancolie qui fait naître des belles histoires ou des poèmes tout en gravité, non, c’était une tristesse silencieuse où aucun mot ne peut vraiment faire décoller les sens. Nous restons, cloués à la même place, avec une fange qui nous emplit le cœur… Doux programme. :p

 

Caro était si silencieuse ce soir qu’elle avait vraiment l’air d’une étoile, d’une lune, d’un astre un tout pti peu mort qui laissait entrevoir par quelques mots une présence finalement bienveillante, aimante. Moi j’adore mon alien J

 

Aujourd’hui le jour se lève encore une fois sur un ciel blanc, moite, sans soleil, sans sommeil, je ferme les rideaux pour revenir à l’état de nuit, m’adonner à quelques heures de sommeil. Nous sommes le 1er juin de l’an 2000, 7h25 am, le monde va bien, il nous écoute, nous observe et nous aime.

 

14h32 – Le problème avec le monde s’est que l’on doit infiniment se révéler à lui-même et à ceux que l’on aime, prouver que l’on existe. Ensuite se donner cette utilité qui nous anime et sans laquelle on se sent moins que rien, bon à jeter, ordure ménagère du quotidien et du monotone. La vie est parfois la même chanson remise en boucle dont on se lasse quelque fois, mais à la longue la mélodie nous transcende, nous porte et nous fait sourire.

Chose inanimées avez vous une âme ? Et quand je ne bouge pas, est ce que je perds la mienne ?

Moi j’aime croire que les choses sont en sommeil, que sous quelques centimètres de calme une tempête rugit, prête à tout balayer et redonner un courant propre à la vie.

Je suis la fille des courants marins, celle qui s’emporte au gré du vent, ça et la, de l’orient à l’occident…Celle qui vit loin, au-delà des étoiles et qui pourtant chaque soir est la pour moi, heureuse, triste ou avec le regard qui fait peur et le sourire rebel…

 

Jour de la fraîcheur refroidie, les temps sont durs. Je m’enlise une fois de plus pour de longues heures à remplir, prisonnier d’une solitude bien née, une solitude que je nourris à la cuillère. Pourtant ma pensée vagabonde, va loin, elle traîne dans les rues du monde, se fait exil dans ma carapace et change la rotation de certaines planètes en sursis. J’ai les yeux ici et ailleurs, un cœur rempli de trois fois rien avec des mots qui mènent loin et font briller les yeux.

Quel est le mot qui me sauvera ? S’il te plait dis-moi ton nom, vite…

 

18h02  -  Une pie sur mon balcon, on me dit brillant, vole moi, emméne moi loin, dans ton repaire de plumes et de branches. J’attendrai patiemment que les temps jeunes ressurgissent, ces temps où certains mots avaient encore la place et l’utilité d’être dit. Un temps qui ne change pas assez vite pour vous perturber, qui vous suit presque au pas, et qui finalement vous ressemble car vous êtes en harmonie, conscient de votre état, de votre valeur indiscernable mais présente. Je suis le commencement du monde

 

La noirceur de m’atteint pas, la noirceur ne m’atteint pasplus.

 

La pluie raméne ses derniéres gouttes, des larmes vieilles d’un jour, qui succombent à l’attraction et tombent sur mon visage. Je reste immobile, je pense, je vis, je resiste aux éléments, qui fyuant à toute allure emporte mes pensées trop légéres, les envolent loin, où elles forment dans cet horizon fermé un voile à peine discernable, une toile qui dit j’étais la, j’ai bien capté tout ça, je vis en même temps que vous, je suis vivant et j’existe.

 

Quand d’autres cultivent la joie et le bien vivre, d’autres cultivent la profondeur. On ne peut pas tout avoir, ni tout être à la fois…Et pourquoi pas ???

Je suis tout ce que je suis et bien plus encore, je suis sentiment lucide d’eternité et d’universalité !

Je suis le siécle fécond de toutes espérances, le commencement qui dure et qui fait agir, vite, bien, précisément…

 

Vendredi 2 juin 2000

 

Vous avez me dire qu’il est facile d’être heureux, il n’y a pas de recette magique mais le bonheur ça va ça vient, une sorte de vase communiquant appliqué à la vie, agrémentée de maximes populaires qui ont fait leurs preuves plus d’une fois (Apres la pluie le beau temps, le chemin vers la réussite est semé d’embûches…)

Moi je cherche le détonateur, celle qui allumera la mèche et mettra le feu aux poudres, moi je veux des éclairs, des coups de foudres, un truc à faire chuter de 30% les actions d’Electrabel… Je l’aurai enfin à moi mon petit bonheur que je pourrai caresser du bout des doigts.

 

Mon contact avec le monde se situe dans les magasins, plus particulièrement un grand magasin, à quelques pas de chez moi, seule ruche bourdonnante à des kilomètres.

La j’y trouve ce qu’il me faut, les substances qui me désaltéreront et me nourriront, parfois une revue où l’autre pour prendre la température de l’époque ou quelques cd qui me feront du bien aux oreilles et au cœur.

 

En ce moment, mon contact avec la gent féminine se limite à l’approche relative des caissières de grandes surfaces. Pas que c’est un phantasme que je gère mal, mais c’est la manière la plus facile de rentrer en contact avec « l’espèce humaine ». Pourtant le dialogue est limité, répétitif et ne s’inspire de nul courant littéraire, poétique ou philosophique. Quoique…

Les mots toujours identiques, comme un mantra répété à longueur de fois, comme si la journée se répétait inlassablement ne changeant que l’apparence des corps et des voix.

Ce vendredi, elle était blonde, ses yeux paraissaient fatigués mais sa voix gardait pourtant cette jeunesse pétillante et forte qu’on certaines filles séduisantes.

« Bonjour » en me jetant un coup d’œil de courtoisie, je réponds dans un sourire « Bonjour… »… Apres avoir liquidé mes maigres achats « ça fera 750 Fb »…

 Je lui tends ma carte bancaire  « voici »… Le ticket sort, elle me le temps en disant « merci »…  Un merci sans suite, qui m’expulse déjà dehors, me laissant retourner à mon vide perso à moi que je couve sans rancune… Un merci que je voudrais tant suivi d’une foule de chose, car les mots seuls sont toujours mal accompagné, un merci beaucoup ferait certes trop (vu le maigre montant de mon achat), un merci bien, sans doute trop plat, un merci à vous, déjà trop personnel et un merci toi, faut même pas y penser, à la limite ça ferait vulgaire…

 

Et puis il me vient l’envie d’entendre tout ce qui sous tend les merci, tout ce qui ne se dit pas et se pense, ou pire ce qui ne se pense pas mais qui sort d’on ne sait où, qui se libère et court à toute allure dans les méandres de ma mémoire, valorisant le présent et enchaînant la mélancolie d’un passé déjà révolu…

« Merci d’être venu, merci d’être la, de me faire ce sourire, ces yeux la, merci d’être ce que tu es, merci pour ce que tu m’apportes, merci de continuer à vivre, merci d’exister… » Tout cela avec la sincérité propre à l’acte, sans doute machinal, presque professionnel, avec ce qu’il faut d’émotion mais pas trop, on y croirait plus, et il faut il croire, se faire des rêves qui durent, des rêves mécaniques bien construit, côtés en Bourse et protégé de toute inflation.

 

Le soleil donne, il me barbouille de sa lumière, me rend encore plus au fait de la vie, son ciel est doux, un bleu pastel qui contraste avec le bleu obscur des ombres qu’un arbre lourd projette sur la rue. Quand on passe à côté de toutes ces maisons et que l’on se sent si seul, elles commencent à vous parler, vous mettre dans le secret, vous révéler qu’elles sont plus qu’un tas de briques bien agencé, qu’elles ont une âme au même titre que nous, qu’elles respirent et nous parlent parfois. Il suffit de savoir écouter, de pouvoir apprendre des choses qui nous entourent, de savoir garder un secret et d’être profondément livré à soi-même.

Celle d’en face me dit que ses habitants ne sont jamais la, que d’un côté elle aussi se sent seule, qu’elle profite d’une fenêtre ouverte pour faire circuler l’air, pour emplir ses poumons, et dans une dernière expiration elle rêve de portes ouvertes, elle rêve qu’elle est différente, une maison d’artiste, une maison remplie d’enfant, un château, une cathédrale… Elle aussi elle pense que c’est bien de rêve être autre chose, parce qu’être soi ça suffit pas toujours. Je suis la maison d’en face qui rêve…

 

La première fois que nous sommes arrivés dans la maison qui est celle de mes parents, j’avais 4 ans. Au fond du jardin une cabane qui a fait la joie de mon enfance, un arbre y était accolé. Quand je regarde toutes ses années qui sont passée et repassée dessus, je ne la vois plus, une ruine pourrissant au gré de la mousse et des mauvaises herbes, couchée comme un animal mort, elle renferme encore dans ses poches d’airs, minuscules bulles d’oxygène rare, les souvenirs enfouis de mon enfance. Et dans une éruption verte elle survit d’une manière différente, gardant au plus profond d’elle l’écho magique de mes cris émerveillés, de ma rage qui prenait forme et mes pleurs qui la faisait s’affaisser encore un peu plus. Je suis cabane de mon enfance, au cimetière des éléphants…

 

samedi 3 juin 2000

 

Les gens sont pleins de ressentiments pour eux-mêmes, mais ils ne font pas toujours ce qu’ils disent qu’ils vont faire. Heureusement.

Entre temps, ils auront eu le mérite de nous faire peur…

 

Me poser des questions, celles qui durent et ne lâchent pas, me résoudre à tisser les mots qui feront de ma vie une réponse à ceux qui se demandent de quoi elle est faite.

 

Je réalise que mon journal prend des tournures plus surréalistes, poétique et surtout imagé de divers sens dont je laisse l’interprétation à votre libre imagination.

Isabelle est une personne charmante, elle a des mots qui redonne parfois une énergique que l’on pensait disloqués, quelque part dans le passé.

Elle me dit « enfin... j'espère ne pas être seulement de passage dans ton journal, dans ta vie » 

moi : «les gens sont toujours de passage » 

Elle : « oui mais s’ils passent souvent ça va ».

 

Je ne sais pas à quoi ça mène des phrases comme ça, mais pour conclure et répondre à sa question « et toi tu n'as pas un ti pincement pour qq1? »… Désespérément non, j’ai une théorie la dessus, une théorie folle, idiote et hermétique. Elle se nomme la restauration de la chimie amoureuse…

Je pense que chaque personne a en elle ce qu’il faut de « chimie » pour tomber amoureux d’une personne, et plus on aime plus cette chimie s’évacue, se dissolvant dans les méandres de l’imaginaire, laissant par après peu de temps pour encore s’émerveiller, faisant du quotidien une valse de regret et de revanches jamais accordées. L’homme combat donc cet état de fait, et cherche à tout prix à restaurer sa chimie perdue. Et souvent se perd dans des illusions, se laissant aller à écouter son désir avant d’écouter son cœur. C’est très théâtral tout ça, le choix entre la raison et la passion, l’un des deux mène aux regrets, l’autre aux tourments… Parfois chacun mène au bonheur, mais ça, ça dépend de chaque individu…

 

17h30- Suite par après, je dois partir dieu c où… Je suis départ dans l’espace incertain du moment.

 

23h30 – Rentré d’on ne sait où … Sans but, sans identité, jamais dérouté, à la recherche de rien ou peut être du mystère insondable qui gît comme un animal mort ou pas tout à fait mort au fond de chacun. Je cultive des pensées hyper caloriques qui me font grossir l’âme à toute vitesse, je penche du mauvais côté, je deviens vénéneux et chlorhydrique… Même si l’ennui n’était pas constant, il a pointé le bout de son nez et m’a piqué au vif.

 

En rentrant, longeant le champ, je fus attiré par une masse noire qui modifiait mon quotidien et éveillait ma curiosité… Un animal mort ? Une tête ? Un œuf de Pâque géant ? … Une citrouille ! Je ne sais pas de quel vaisseau spatial elle est tombé, mais me voilà en face d’une citrouille tout ce qui  a de plus citrouille. J’ai du rester quelques instants devant ce « phénomène » analysant mollement toute la portée de ce sens ou de ce fait extraordinaire. Car dans une vie monotone, le moindre fait sortant du quotidien prend des allures irréelles, surnaturelles. A demi coincé dans l’ombre et la lumière pale d’un réverbère, elle semblait gonfler et battre comme un cœur, une citrouille qui respire… Mais l’optique réserve de ses illusions dont on ne revient pas J  En partant je me suis entendu crier mentalement doucement puis de plus en plus fort… « s’il te plait transforme toi en carrosse ! ». Mais elle restait citrouille et je restais seul.

 

dimanche 4 juin 2000

Je suis mémoire vive branchée sur un serveur imaginaire…11h18 déconnections

 

Vapeur d’eau sur la vitre, le temps s’allonge dans un brouillard qui rend les choses à demi floue, d’une blancheur fantomatique, l’aube applique le voile qui nous fait un tout pti peu aimer le monde, un monde moins tranchant, tout en douceur, pastel, un monde mou, guimauve, marmelade J

 

Sabrina est une petite personne qui cache ses atouts, c’est une fille pochette surprise avec qui on sait jamais sur quoi on va tomer, le pire comme le meilleur. Mais en ce moment elle est adorable et le sait bien :p

 

Moi je connais une fille c’est pas une fille, c’est un poisson volant. Enfin pas tout le temps, parce que parfois elle est assez femme pour faire craquer un million d’homme, non moi je vous parle de sa véritable identité, un ptite sirène vous dis-je, avec des ailes que même ont dirait un ange quand elle sourit.

J’ai lu quelque part que quand un poisson volant est poursuivi, il sort de l’eau et déploie des ailes, alors il vole, vole, vole et quand il est à bout de force, il replonge, il est déjà ailleurs et son prédateur peut le chercher et s’acharner, il est déjà plus la… Il a changé d’eau comme on rêve parfois de changer d’air, de changer de vie.

Mais comme elle a pas de nageoire, pas de d’écailles ni d’arrêtes, alors elle est fille, fille des courants marins en bikini bleu-gris, ont dirait une Venus sortie des eaux, miniature et mignonne J  Moi j’vous dit, les poissons ont la côte cet été, même si ils cachent bien leurs jeux …

 

Océan chaud, peu servi, cherche banc de poissons pour se faire animer.

 

Vous savez, un e-mail c’est parfois aussi chaud qu’une lettre, ça donne la péche parce qu’on sait que l’on pense à vous un peu partout, puis pas de poste, pas de relais, ça va vite. Moi j’aime bien, pourtant j’en envoie jamais des tonnes bizarrement. Je suis même assez avare, peut être une pudeur que je maitrise mal.

Isabel_ est une petite personne plait d’attrait comme toutes les personnes d’attrait, elles savent pas qu’elles en ont et quand on lui dit, elle fait comme si elle entendait pas, les gens sont sourds parfois. Isabel s’essaie à l’amour, laissant son cœur battre pour des gens qui d’un premier abord ne sont pas pour elle (« oui je ne comprends pas

pourquoi on s'attache sans cesse à des gens qui ne nous respectent pas tout le temps! ») et qui en réfléchissant à deux fois et plus réalise que le petit pincement au cœur c’est pour lui qu’elle l’a. On sais jamais si c’est de l’amour, parce que tout compte fait on sais pas ce que c’est réellement l’amour. C’est cette sorte de sentiment qui vous fait aimer n’importe qui ou n’importe quoi dans un minimum de temps, le rendant alors éperdument indispensable à notre joie de vivre, notre bonheur et notre sourire quotidien.

Franchement je l’aime bien mon Isabel virtuelle, ça rime en plus J  et au fond d’un cœur pourtant lourd de ne plus battre je lui souhaite bien entendu d’aimer et de se faire aimer jusqu’à ce que bonheur s’ensuive. Moi je ne pense à personne, ça libére l’esprit et évite bien des soucis. Pourtant un jour ou l’autre je devrai bien faire un choix, mais bon, c’est pas encore demain, on verra ça le 21 octobre.

 

 

lundi 5 juin 2000

 

Je suis sur une tour, je rêve, planté la, au milieu de nulle part, je regarde et je vois loin. Les arbres qui jettent leurs branches contre le vent, les prairies en sommeil sous l’insouciante rosée, les chemins qui serpentent, certaines maisonnettes remplies du rêve de leurs habitants, et des murmures qui parcourent le temps et les environs.

Au-dessus il y a des nuages de pluie à vous glacer le sang. On sait bien comment ça finit tout ça, un nuage ça n’a qu’un langage, qu’une vie, celui d’obscurcir le soleil et pleuvoir un peu, ma foi c’est une belle vie d’être nuage quand on y pense.

 

Moi je serais un nuage qui parcourre les océans et qui pleure jamais, je serai un nuage héros, un qui marquerait la vie des autres nuages, qui ferait un peu partie du panthéon, de la mythologie aérienne. Je me vois déjà, orné d’attributs enviables, casque d’airain, glaive étincelant, visage harmonieux, un vrai rêve ce nuage !

Alors que je m’y attendrais pas je rencontrerais un autre nuage avec un accent bizarre, il me parlerait du pays où il vient, il me dirait qu’il fait froid la bas mais que pourtant la chaleur qu’il a en lui permet de compenser, il me dit aussi qu’il a des secrets étranges et inavouables, puis une peine régulière, quasi familière qui le poursuit comme une ombre. C’est un nuage assez particulier parce qu’il ressemble à un aucun autre nuage, il est d’un autre espace temps, car quand le matin se lève chez moi un soir se couche chez lui. Alors il aime me parler à ce moment car vous comprenez dans le pays d’où il vient les nuits sont si noires et mon nuage à peur de la nuit, surtout quand la lune s’absente et que les étoiles font grève (bien entendu qu’elles font grève, de la à savoir si elles sont syndiquées, vous m’en demandez trop). Et ce qui est étrange par-dessus tout c’est qu’il est en croissant, parfait pour commencer le matin, un croissant parfait, comme une petite lune justement, mais blanche et cotonneuse.

Je lui répétais qu’il fallait pas avoir peur de la nuit, parce que la lune quand elle brille c’est un peu comme un autre soleil et qu’avec ses rayons ça réchauffe l’intérieur quand le soleil réchauffe l’extérieur, il en faut un peu pour tout. Avoir peur de la nuit c’est comme la peur des araignées, ça se contrôle pas vraiment…

 

Les nuits ne se comptent pas, elles se vivent.

La lumière a fini par tout délayer, la brume d’alors est partie brumiser ailleurs, se coller contre quelques vitres ou réveiller chaque goutte de rosée encore un peu engourdie.

Le gris du ciel s’est transmué en un blanc-bleu, infiniment pâle qui fait du bien aux yeux qui les regarde.

Vous me demanderez ce qu’est devenu mon nuage en forme de croissant ?

Il a franchi l’océan et moi je suis resté la, au loin une auréole un peu brillante qui me rappelle son passage et qui me fait dire que mon nuage est une nuage, avec un cœur de brume qui bat à l’intérieur, à chaque battement elle se rapproche un peu plus des gens qui l’aiment et à chaque larme elle disparaît un peu plus.

La tristesse ne sert à rien, peut être se vider de quelque chose qui n’existe pas, de quelque chose qui s’éteint et qu’on voudrait rallumer avec de l’eau.

On a de ces sentiments indiffusables qui nous percent le cœur et qui voudraient sortir, comme une foudre pour tout balayer sur son passage, alors on serait libéré et pur, immaculé…

 

J’ai le désir mille fois réveillé, il pense tout haut, il frappe, tape à la machine, écrit ici une lettre à un destinataire inconnu, l’envoyeur est timbré, il livre sa vie comme un colis, je suis connecté et je vois loin. J’ai repensé à l’idée de la bouteille, elle me grandit cette idée…

J’imagine un adolescent recopier quelques dizaines de pages racontant sa vie et les mettre dans une de ces bouteilles bleues si belles qu’une célèbre marque d’eau minérale à sorties pour le millénaire, et cette bouteille jetée à la mer serait livrée à la vie des flots, ballottée au gré du vent, des tourbillons, des remous et cet homme qui aurait pris soin de grandir entre temps aurait vu lui aussi sa vie comme celle d’une bouteille jetée à la mer, ballotté de part en part avec un terrible mal de mer qui vous gonfle le cœur et le fait éclater cent fois en pensée. Un jour qu’il se promène sur la plage il retrouve sa bouteille comme l’ombre d’un passé soudain projeté contre sa vie qui n’en demandait pas tant… Il prend soin de contourner la bouteille, de la regarder d’un œil surpris, étonné, remuant sa mémoire et ses sens, ne pouvant croire que c’est sa bouteille… Pourtant la où il avait gravé ses initiales une ligne sécantait les lettres comme un retour à l’envoyeur qu’une poste céleste aurait tracé finement. Au moment de la prendre entre ses mains, son souffle s’accélère, un cœur qu’il pensait en berne se remettait à donner le tempo, un pouls vaillant battait sur ses tempes. On ne sait jamais ce que peut sortir d’une bouteille, l’ivresse, un génie, des illusions perdues… Mais au moment de sortir les feuillets il réalise que la couleur a changé, une décoloration n’aurait pas pu faire cela, l’eau n’y avait même pas pénétrée ou si peu. Ouvrant fébrilement, il sort les feuillets d’un bleu azur, sur la première page commence une date qu’il n’a jamais vécue, du moins dans ce journal, comme si ce journal avait continué à vivre, à vivre sans lui, en dehors de lui. Une écriture étrangère, belle, fine, laissait des lignes harmonieuses, une écriture féminine qui savait laisser des marques ailleurs que sur une page, la première page commençait par…

« Qui sommes-nous ?… »

 

Je suis l’arche de Noé des rêves oubliés, je garde pour l’humanité les rêves perdus de chaque être, de chaque chose, je suis le souvenir vivant d’un monde oublié et en cas de déluge, je suis insubmersible. Ici sur mon Ile déserte, je vois passer les bouteilles au loin sur l’eau, je vois les rêves se faufiler au creux des vagues et les nuages se balader comme des âmes ralenties. Je me dis que tout cela est bien, que la vie s’ébroue parfois pour donner un peu de chance à ceux qui savent l’écouter et vivre.

Pourtant au fond de moi un terrible sentiment de trop peu, trouver le bon nuage qui m’entraînera dans son ciel, qui me montrera un bleu pur sans colorant ni conservateur, un bleu naturel qui tient chaud la où il faut et qui colore les yeux un peu, beaucoup, passionnément J

 

Je suis un texte qui n’en finit plus d’exister, parce que ça fait du bien de vivre… parfois.

 

Mardi 6 juin 2000

Je suis une fraction résiduaire…

 

J’ai appris que dans la collecte des déchets, une fraction résiduaire était un déchet non catégorisable, genre papier sulfurisé ou plastiques composés… apres tout je suis un amalgame de chair, d’os, de fluides, cheveux, ongles, dents,… C’est un peu curieux quand on y pense, l’homme est un objet si il fait tout pour le devenir, un objet qui bouge, mais pas tant que ça, qui pense, mais pas tant que ça et qui vit, alalala, faut le dire vite pour le croire J

 

Objets inanimés avez vous une âme ?

 

Dans mon appart tout est calme, en dehors aussi, mais à l’intérieur c’est fou ce que c’est calme… On dirait que le temps à cessé de fonctionner, qu’il a gelé et que ses rouages ont fait une petite pause, histoire de voir comment ça marche quand lui fonctionne pas.

Le vent souffle et frappe telle une caresse franche sur la fenetre, le frigo ronronne… Il pourrait aisément remplacer le chat que je n’ai plus, puis un frigo c’est pas mal comme compagnon. Contre les idées courantes, un frigo ne tient pas qu’au froid, il suffit de le contourner pour réaliser que dérriére il souffle chaud. C’est comme ça avec pas mal de personnes dites froides. Suffit de trouver le bon angle.

 

J’ai fini par sortir aujourd’hui, quelques heures ceci dit, j’étais déjà assez fatigué comme ça, puis cette promenade me semblait déjà vaine avant de commencer. Mais je devais aller chercher des protéines en poudre pour maintenir mon corps en état, pas de fonte musculaire du au manque d’aliments… Pour ne rien cacher je ne suis pas tres en forme, mon journal souffre en même temps que moi. Mes mots sont lents, ils ressemblent à des choses qu’on aurait laissées un peu trop longtemps mûrir, ils ont finalement passé leur date de péremption.

 

En revenant, j’ai croisé Fabrice dans le métro, sans doute un de mes meilleurs amis, même si habitant à 10 minutes de chez moi je ne le vois que à l’occasion du hasard. Il me raconte que sa vie est minable, qu’il décline peu à peu et qu’un jour ou l’autre, bhen…

On dirait que j’en suis la aussi, soulevant à bout de bras une existance fatiguée d’être ce qu’elle est.

Ma solitude est malade, je vois des gens, ainsi au détiment de ma solitude, je nourris mon ennui et confirme mon inaptitude à vivre.

 

Je suis l’horreur des temps moderne, je suis rédemption dans la grande vacuité du temps, je suis le reproche sans cesse remis au goût du jour.

Je voudrais être magicien, pour me faire disparaître….

 

Addition : Je suis une fraction résiduaire…1999, USA… Un SDF endormi dans une poubelle se fait décapiter dans un broyeur de la benne à ordure. Chaque année, des dizaines de sans-abris pris pour des tas de chiffons meurent dans ces conditions.

 

mercredi 7 juin 2000

 

Vais-je pouvoir continuer ainsi ?

Dans cet infini dans lequel on ne ressort plus

Les gens normaux pensent le plus souvent qu’il est facile de trouver une solution à un probléme simple, ils ont sans doute raison dans la majorité des cas. Mais la douloureuse sensation d’être au-dela de la majorité des cas tenaille et fais mal. On se sent parfois valorisé par cette différence certes, mais le plus souvent exclus d’un monde que l’on ne comprend plus trop et qui lui vous rejette comme un élément peu fiable.

 

J’ai du me lever plus tôt, ma mére venait prendre de mes nouvelles. Je fus peu bavard, car en somme il n’y avait rien à raconter. J’avais l’impression qu’elle venait visiter un malade et que mon appart, tantôt chambre d’hopital, tantôt prison, rarement refuge se refermait sur moi.

 

Note : Je donne parfois certaines références musicales pour partager des choses, me dire que peut-être quelqu’un saura se mettre dans une situation d’emerveillement pareille à celle que je vis quand j’écoute certains morceaux. En ce moment Closer des Corrs. Puis ensuite enchaimenement sur l’ablum October de U2.

 

384 000 km… Elle est loin la lune.

Lumiére discrete sur un monde chaotique… Et pourtant la lune n’est pas paisible disait elle, la lune détraque tout.

J’aimerais être de la lumiére lunaire, je pourrais me coller à certaines vitres et attendre patiemment qu’on m’ouvre. Alors je rentrerais doucement comme une vapeur d’ether sans odeur et la je caresserais son visage, tranquillement, jusqu’à ce que la nuit s’achéve et que je retourne à ma nuit, à l’autre bout du monde. Je sauterais de nuit en nuit, faisant le tour du globe, longeant l’ombre du temps et me glissant ça et la dans les recoins et cavités. Je me nourrirais de vos silences, vos silences qui en disent longs et me parle quand vous ne faites pas attention. Alors quand le jour pointe ses rayons il est déjà temps de partir, et je réalise que les gens que je rencontre sont des gens qui rêvent, enfouis dans leurs mondes ils sont loin, un peu comme un sommeil dont on ne sort jamais. Alors le rêve se supplante à la vraie vie, il nous valorise, nous rend fort. Parfois une petite voix nous redescend, alors on réalise qu’on est seul, que la lumière du jour vous aveugle et que vous êtes livré à vous-même.

Je suis ombre portée qui ne se porte plus

Ma solitude ferme ses mâchoires sur moi, comme le broyeur de la benne à ordure. Vous auriez mal vous à ma place ?

 

21h15

J’entends encore certaines amies me pourfendre de leur virulent réconfort mal jaugé… Tu es beau, tu es riche, tu es intelligent, tu es un photographe excellent, tu écris bien, tu as une santé de fer… Arrête de te plaindre !!!

Mais je ne me plains pas, enfin je ne pense pas que ce que j’écris est une longue plainte, juste l’énumération de faits. Je ne peux pas m’inventer une foule de personnes si elles ne sont pas la. Je voulais juste apporter cette précision pour faire cesser ce genre de conseils qui n’en sont pas vraiment. Je ne cherche pas des conseils, je cherche des actes !

24h37 : Sur irc à propos du journal, Cain est un homme avisé et plein de ressources, de gentillesse et de talent verbal. Même si comme moi il se sent démesurément nul.

[00 :29] <Nigh04> enfin y a toujours une image que j’aime… la je suis de la lumière lunaire qui vous visite quand tout le monde dort

[00 :29] <Nigh04> c une métaphore bien entendu

[00 :30] <Nigh04> c un peu la métaphore d’être pas tout à fait un rayon de soleil tout en restant brillant puis on fait rêver les autres mais on les atteint pas vraiment

[00 :30] <Cain> j ose pas dire ke c est le soleil ki fait briller la lune…..

[00 :31] <Nigh04> c ce que je dis, je cherche mon soleil

[00 :31] <Nigh04> mais comme dit la chanson, c souvent des rendez vous ratés

 

jeudi 8 juin 2000

 

La nuit ramène à la raison les cerveaux brumeux… Et sous tonnelles et pins noirs, mon esprit vagabonde de ci de la, allant loin, aussi loin que mon imaginaire et ma sensibilité me le permettront. J’ai l’impression que le besoin d’aimer revient à la charge, pourtant ne trouvant personne de vivant à des lieues à la ronde, il ne me reste que par commencer à m’aimer moi, pauvre petite chose délaissée, que mes écrits réaniment dans un soucis de valorisation et d’exercice littéraire.

 

La vie se bouscule, avance, se roule en boule et s’élance contre des quilles imaginaires… Strike !

Je suis une quille qui tombe et une machine bien huilée me ramasse, et me remet droit. Un jour cette machine manquera d’huile et je resterai couché. Ne pas oublier d’acheter de l’huile de noisette !!!

 

Je fais mes courses, avec comme but incertain de voir la caissière qui apportera un peu de féminité dans ma vie. C’est étrange comme mon panier est toujours rempli des mêmes choses tous les jours. Du jus d’orange tropicana, un morceau de saumon ou de poulet bio, parfois une revue, du lait. Jamais rien de plus… En fait je prends que ce que je fais remplir dans un ou deux sacs plastique car je rentre chez moi à pieds.

 

En sortant le soleil se balançait dans le ciel avec cette illusion de rester immobile et de jouer avec nos ombres. Hier soir je me suis fait souffrir inutilement, ou plutôt une personne a qui je tiens a avoué de pas suivre mon journal, alors qu’en somme il lui est un peu destiné à elle plus qu’à moi. J’ai sans doute mal agit, j’ai montré ma déception, ma tristesse. Il faut toujours camoufler ses sentiments parce que sinon ils éclatent et finissent par blesser. En gardant pour soi tous ces sentiments ratés, on s’oblige à les utiliser comme combustibles et sortir des textes exutoires comme ceux-ci.

 

<Night04> fuyons ce que l'on ne peut pas avoir  :)  [03:11] <[Sadness]> non, ça je trouve ça bête...  [03:11] <Night04> koike à force de fuir on fuit parfois l'un vers l'autre

 

Les choses se résument d’elle-même, à l’impossible nul n’est tenu…

 

Je marchais dans la rue, avec un manque de but effarent, le but c’est marcher, faire fonctionner le corps, aller nulle part car rien ne m’intéresse plus…

A ce moment une chose noire s’échappe de moi et virevolte, j’ai souris me sentant soulagé d’un poids invisible. J’ai vite remarqué que c’était un papillon, d’un noir nuit sans lune, qui voletait à côté de moi, comme ces chiens dont on ne souhaite pas la compagnie et qui vous suit jusqu’à ce que vous l’aimiez. Il y a des gens aussi qui restent dans votre sillage jusqu’à ce qu’ont les aiment. Moi je ne suis dans le sillage de personne, je n’aime personne et personne ne m’aime.

C’est plus facile ainsi, voir plus heureux, on passe à coté de bien des peines.

 

Ce soir j’ai vu au cinéma « Dans la peau de John Malkovitch » et revu pour la 60 millième fois « Doom Generation » de Gregg Araki. Toujours aussi bon.
Je suis sorti heureux, sautant d’un trottoir à un autre, m’amusant à gravir des marches, avec un regain d’énergie effarant. Pourtant ça m’a laissé un drôle de sentiment, ce sentiment qui vous vient après la vue d’un film, celui de se sentir à la fois nourrit d’une nouvelle chose, d’une expérience, et d’un autre côté je me sentais conscient des manques que j’avais. Ce manque flagrant d’amour, et je ne parle pas de Baise, je parle du regard de l’autre, d’entendre une fille parler, de peut-être se tenir les yeux, de se regarder l’un et l’autre jusqu’à ce que chacun devienne flou et alors la on est bien, on dirait une brume qui se dissout pour révéler ce que l’on a toujours voulu secrètement au fond de soi. Quelqu’un qui vous aime pendant au moins quelques secondes. Mais faut pas se faire d’illusion, la personne ne vous aime pas vous, mais l’instant que vous lui procurez, cela pourrait être n’importe qui… Koike.

 

Je suis à la recherche d’un instant magique, pouvez vous me donner l’adresse où ça s’acheté et le lieu où on le vit ? Merci