vendredi 9 juin 2000 

Directement s’imprime en moi la vocation d’être l’autre, celui que je ne serai jamais et qui m’obsède. Alors on cherche à se rapprocher, s’imbriquer, se contenter des recoins sombres et humides qu’on appelle amour pour ne pas s’effrayer de cette tiédeur gynécologique…

 

Les jours se suivent, se ressemble souvent, se font bons parfois et de rares instants les traversent comme une flèche qui viendrait se perdre dans un talon d’Achille qui ferait plus d’un kilomètre de large.

 

Je suis le dépositaire du secret gardé…

Il se love en moi et remue un peu

Il reste le fondement de ta renaissance

 

Il commence à faire si chaud, et moi si blanc que j’ai peur de fondre. Les esquimaux ont 39 mots pour nommer la neige. J’aime ce qui est blanc mais ne porte que du noir… Enfin je me mets au vert et au bleu foncé, ce qui est un moindre mal. Je suis un compromis.

Carolune a su trouver les mots, une phrase assez courte laissée à mon intention comme un message envoyé par pigeon voyageur. Décidément certains verbes sont plus beaux que d’autres. Puis son journal respire, il n’est pas sensation d’étouffement comme le mien, il est liberté et fraîcheur, même si elle n’y croit pas vraiment. Moi j’y crois et ce qu’elle m’apporte est important.

 

Laure, que j’ai connu sous le nick de Eclore (joli n’est ce pas ?) m’a également envoyé un mail. Je suis content des sentiments que suscite ce journal, même si pour le moment il est un peu au repos, préférant mâchonner sa morosité et maugréer dans son habitat blanc. Elle y trouve des mots, ne se lasse pas de lire et d’y trouver une sensibilité qu’elle aime et qui sans doute la touche, puis me rend « important » à ses yeux. Tous les gens sensibles qui arrivent à utiliser cette sensibilité pour créer quelque chose sont des gens important, car ils font le plus beau métier du monde, faire rêver.

 

samedi 10 juin 2000

Un matin sans soleil, sans brume, sans rien, sans toi… Donc dénué de tout

 

Les gens qui peuplent mes insomnies sont merveilleux chacun dans leur genre. Ils vivent à l’autre bout du monde ou tout pres, ils vivent en même temps que moi et à peu de chose pres dans leurs présent et le mien font la même chose que moi. Tapper sur un clavier jusqu’à ce que quelqu’un réagisse et leur parle.

 

A peu de choses pres avons nous la vie dont nous avons toujours rêves ? Sommes-nous en accord avec nous même, avec notre morale et nos principes ? Acceptons-nous le corps que nous avons avec ses qualités et ses défauts ? Jouissons-nous d’un entourage préoccupé de notre bien être et nous écoutant comme il se doit ? Avons-nous les amis et l’amour que l’on mérite ? Partageons-nous tout ce que nous avons en nous avec les personnes que nous voulons ? Sommes-nous tout bonnement invisible pour 99,9% de la population ? Devons nous rester fantomatique par habitude, résister à la terrible angoisse de l’aventure et se cloisonner dans un quotidien qui ne finit que par nous user ?

 

Je trouve que je pose beaucoup de question sans apporter vraiment de réponses. Peut être qu’apres tout acune question ne se doit d’avoir une réponse particuliére et toute faite, que chaque question a une réponse pour chacun de vous, une réponse qui vibre et se décharge dans votre vie comme une poudre lumineuse qui éclaire la route…

Malheureusement, pour la plupart d’entre nous, on adore entonner le « y a pas de solution » peut etre parce qu’il n’y a pas vraiment d’urgence, on jouit bien de notre semi-confort émotionnel assez bien reglé… Le « Je me plains-tu me plains ».

 

Tu manques à chacun de mes moments, tu es la joie que je n’ai pas et l’espoir que j’aimerais avoir. Tu existes sans exister car tu es le refuge de mes sentiments confus…

Si seulement la lune n’était pas à 384 000 km. On pourrait construire une échelle, une fusée, un aéronef… Se faire tirer par des oiseaux.

Une bonne raison pour relire « Voyage dans la Lune & Histoire comique des etats et empires du Soleil » de Cyrano de Bergerac, il y parle avant l’heure de l’apesanteur et des joies que l’on peut avoir à être dans la lune plutot que d’y marcher. Il parle d’un peuple qui préfére le fumet des mets à la nourriture elle même, un peu comme moi qui me contente d’illusion au lieu de la serrer contre moi.

 

Dimanche 11 juin 2000

 

-       Tu sais paraît que la cigarette tue et qu’elle peut même donner le cancer

-       Je peux pas mourir, j’existe pas, je suis fictive…

 

Je fume pas, je fais tout pour me préserver, c’est à n’y rien comprendre…

 

La nuit quand on dort (ce qui est rare chez moi, je confie le plus souvent mon sommeil au jour), les rêves sont une panoplie de ce qu’on ne vit pas, une parodie de vie mais d’un certain côté celle que l’on voudrait. Mes nuits sont plus belles que vos jours nous apprenait un titre de film, comme si le mime de la nuit nous guidait vers un merveilleux que l’on pouvait atteindre en s’injectant dans le sommeil le plus profond. C’est peut être ça le bonheur, l’inconscience, la volonté sans l’acte, le précipice dans lequel on saute et l’ivresse que ça provoque pendant la chute. Moi je rêve que je m’éveille et qu’une voix me guide, elle est quotidienne et vivante, elle me demande si j’ai bien dormi et si je suis bien, je lui réponds en lui disant que rien ne me plait plus au monde que d’être la, avec elle. Alors elle apparaît, s’approche si près de moi qu’elle devient anonyme, visage à coté du mien, je ne vois que des yeux qui s’ouvrent grands et se ferme quand sa bouche s’entrouvre pour m’embrasser. Elle me parle de ses rêves et me demande si c’est toujours comme ça la vie, une succession animée d’images tantôt personnelles, tantôt impersonnelles qui nous livrent tour à tour les sensations du moment. Petit à petit elles se rangent dans un sac, puis dans une pièce dévolue, enfin dans un immeuble, une ville, une planète… Certaines personnes ont tellement en eux qu’ils arrivent à remplir des galaxies, après ils n’ont plus besoin de parler, être la suffit, il émane quelque chose qui vibre et nous fait vibrer aussi. Ils ne parlent pas, ils vivent par eux-même et pour nous.

 

Apres elle se lève et me demande si tout ceci est un jeu, et si je la laisse gagner, parce qu’elle se sent heureuse, gagnante sur tous les fronts, moi je pensais jusqu’alors que c’était elle qui me laissait gagner… L’important alors c’est de pas fermer les yeux, mais c’est impossible car quand elle revient sur moi, accroupie et tendre, je lui murmure que je l’aime, que chaque seconde contient un bonheur signé d’elle et que j’aimerais que cet instant magique ne s’évapore pas ou pas trop vite.

Mes mains s’avancent sur son visage, lentement, ses mains suivent les miennes, je caresse sa nuque et au moment de l’embrasser mon monde vacille et je retourne dans cette vie où cette scène ne s’est jamais produite et où elle a peu de chance de se produire un jour…

 

On se demande souvent si elle est vivante, si elle existe, si elle est pas fictive. Plein d’espoirs on se dit que oui, que quelque part sur cette planète une personne voir plus, voir une centaine ou des milliers sont la, prêtes à vous aimer. Pas pour la vie, non non, mais quelques secondes, quelques minutes, une heure… ça suffit, des instants magiques valent bien plus qu’un amour qu’on épuise.

 

Je rêve d’un cœur qui s’éveille et saurait attirer le regard de celle qui…

 

Pourtant l’espoir arrive à grand pas, je le sens au fond de moi. Ne serais-ce qu’un soubresaut, un instinct de survie qui me clame que mes intentions sont idiotes et que je me prive de la seule chance d’être bien, d’être heureux. On peut souvent penser que les gens qui se donnent la mort sont des gens malheureux, qui n’ont rien, qui par la misère sont poussé à en venir à bout de cette vie, ou bien par amour, un amour déçu, déchu, qui fait souffrir plus que toute plaie ou encore une maladie mortelle que l’on a pronostiquée comme un paris vous donnant quelques mois de sursis. On avait donné trois mois à mon père, il y a quinze ou vingt ans de cela. Je ne sais pas s’il est plus heureux, je pense que je ne le saurai jamais, en tout cas ce que je sais c’est qu’il a sans doute aimé ce qu’il fut mais pas ce qu’il est et encore moins ce qu’il sera. Me parlant à mot couvert de sa mort sans cesse imminente, je suis le réceptacle de ses angoisses. D’un certain côté ça m’aide à me sentir exister, servir de défouloir ou mieux de fils, d’ami, de confident. Pourtant dans ses moments, par pudeur sans doute, mes mots se bloquent et ce qu’il faudrait que je fasse pour le soulager ne vient pas, je me répète tout au fond de moi, assez fort pour que par une télépathie filiale il le ressente au fond de lui, et maintenant je pense qu’il ressent mon amour pour lui, du moins je l’espère.

C’est tellement désarmant cette sensation d’être étranger à toute chose, d’avoir des parents merveilleux mais qui finalement ne vous ont pas donné la vie, ceux la sont morts et perdus dans un passé scellé, anonyme. C’est sans doute pour ça mon amour des cimetières, comme si à force d’en visiter, je pouvais croiser leur tombe par hasard, sans forcément savoir qu’il s’agit d’eux. Me ressemblaient ils ? Avaient-ils mes yeux ? Ma taille ? Mon timbre de voix ? Pensaient-ils autrement, quelles étaient leurs passions, le nom de leur poisson rouge, la maison dans laquelle ils habitaient, les photos d’eux qui existent peut-être encore… Qu’ont ils pensé en mourant ? Ai-je été important à leurs yeux ou un probléme de plus à ajouter au quotidien ? Sont ils encore la pour moi et moi pour eux ?

 

 

A y penser, énormément de choses découlent de tout cela, la photographie que j’ai étudié, les cimetières et ce goût pour l’abandon, le rêve, le fictionnel, le non-attachement.

Si ma grand-mère m’a instillé le goût de la poésie et du merveilleux, ces ombres qui étaient la quand j’ouvrais les yeux en me réveillant enfant m’ont transmis une sorte de don maudit, une tristesse héréditaire mais créatrice, infiniment créatrice.

 

Bruno a enfin commencé mon journal et a reconnu qu’il était triste, sans oser dire que ma vie l’était. Comme pour s’excuser ou reconnaître ce qui est, il m’avoue pourtant que dans cette vie je suis pourtant quelqu’un de joyeux, d’intéressant et que je ne donne pas vraiment l’impression d’avoir toutes ces choses en moi.

Se dire qu’on a une bonne raison d’être la et d’être ce qu’on est, ou alors retourner la situation, s’imaginer autrement, tellement fort qu’on arrive à se transformer et atteindre les buts intimes que l’on s’est fixé

 

Au fond de moi, je garde mes mystères, comme des oiseaux magiques dans une cage en os. Un jour je m’ouvrirai, ils s’envoleront et je ne serai plus moi.

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lundi 12 juin 2000

 

Summer’s almost gone, Summer’s almost gone, Where will we be, When the summer’s gone ?

(l’été est presque fini, où seras-tu lorsque l’été sera passé ?) Jim Morrison

 

J’ai toujours aimé les doors et les textes de Jim Morrison. Plus connu comme chanteur, il voulait pourtant devenir poète. Il a sans doute réussi mais est parti trop tôt pour continuer sur sa lancée. J’ai lu une foule de livres de Jim et sur sa vie. Je pense que ça aussi, ça m’a transformé, ça a fait de moi quelqu’un qui apprécie les mots et leurs positions, leur intensité et l’émotion qui en découle.

 

Un jour il a demandé à son ami jusqu’à quel âge il comptait vivre. Ils marchaient sur la plage, un matin d’été en Californie. Ray Manzarek parut surpris de la réponse, et répondu en bredouillant « peut être, euh… 87 ans ». Sur ce il répondit « Waow, pas moi, vieux. Je n’irai jamais aussi loin…  Je me vois comme une étoile filante. TU sais, comme quand on est dehors la nuit, sur la plage avec un peu de monde, et que quelqu’un montre le ciel du doigt en s’exclamant : « Eh, regardez ! Une étoile filante ! » Et tout le monde cesse de parler. Et ils regardent, et ils font « Ah ! », et ça les retient un court instant, et puis ça disparaît. C’est comme ça que je me vois Ray »

 

Un jour sans doute vous serez plus vieux, cela fera longtemps que l’irc et Internet aura migré de vos vies, sans doute pour devenir quelque chose de différent, ou vous perdrez tout simplement l’attrait que vous aviez pour ce média. Un jour donc, vous vous rappellerez comme par vagues ces gens qui se parlaient sans se voir, ces gens qui par l’intermédiaire d’un ordinateur, d’un modem et un serveur pouvaient communiquer ensemble, certains se sont vus, d’autres jamais, certains sont restés longtemps d’autres moins longtemps et chacun a son tour a eu sa minute de gloire, a marqué le channel, a sur s’imposer, exister. Au milieu les Opérateurs, parfois vigiles, parfois animateurs, souvent les deux, se rendant tour à tour sympa ou inflexibles. Tout ce petit monde, s’appelant par des noms étranges, choisis pour des raisons parfois simples ou inconnues restera dans vos souvenirs. Ce seront vos étoiles filantes comme vous serez les miennes…

 

Merci à vous d’exister.

 

 

mardi 13 juin 2000

 

Imaginer un voyage c’est y être disposé, c’est comprendre les nervurations intimes du corps comme autant de chemins dont il est le carrefour, comme autant de pays dont il figure le pôle.

 

Nous feignons d’avancer vers un imaginaire qui nous échappe, une escapade bien née qui nous prend aux tripes et nous emmène la où nous nous trouvons déjà, à l’intersection de l’être et du devenir. J’aime entendre ces sons qui courent tout bas dans mon espace intérieurs, souvenirs de résonance, ils sont le peuple obscur de ma mémoire. Je suis eux et ils me font moi.

J’aime n’y rien comprendre, j’aime cette poésie qui rend les choses floues, les décisions ardues, les sentences inacceptables… Je suis sans doute fais ainsi, sans cesse vouloir construire les choses, jusqu’à les voir s’écrouler remplies de choses qui ne devraient pas être.

 

Je me suis un jour demandé si les choses que nous achetions nous appartenaient vraiment ? Si elles n’appartenaient tout simplement pas à elles-mêmes, et ainsi leur trouvant une âme à ces objets inanimés, nous serions des conducteurs d’esclaves à grande échelle. Et puis la corrélation est simple, presque anarchique, et si c’était plutôt nous qui appartenions à ces objets, si chacun à leur tour ils étaient la brique de notre être, voir de notre prison. Comment me détacher de ces idées, qui par leur complexité m’empêche de voir la simplicité ambiante ?

 

Peut-être ne plus penser, arrêter les choses et moi par la même occasion.

Trop facile peut être…

 

mercredi 14 juin 2000

 

Si ces choses essentielles sont invisibles, et que je suis invisible, suis-je essentiel ?

 

Si oui pour qui ? Pour quoi ?… Je me fais l’écho de ce que j’ai entendu aujourd’hui, mais qui en somme concorde un peu avec mon esprit du moment.

Certes je ne veux pas me plaindre, et en disant cela je prépare déjà le lecteur à écouter les jérémiades d’un garçon seul, avec un monde qui se dérobe autour de lui, avec des crevasses en forme de cicatrice et des ombres vides comme partenaires.

 

J’ai téléphoné à Bruno qui m’a raconté sa déception et sa théorie sur les gens. En résumant mal peut-être, il en ressort que les gens malheureux ou se croyant tels, sont une minorité et perdu dans la masse heureuse, ils ne voient que le mauvais côté des choses, s’enfermant eux même dans leur solitude.

Il m’a confié avoir été invité à un barbecue à son travail, où il fut relativement ignoré. Quelques jours plus tard il dînait avec un collègue de travail se plaignant de sa vie et des gens… Ce qui éradique quelque peu la théorie de Bruno disant que c’est nous les plaintifs ou les malheureux. Je ne me sens pas « malheureux », je souris, je jouis des choses que j’ai et en somme j’ai tout ce que je veux. A part une vie sociale et sentimentale, le reste m’est servi sur un plateau doré. L’argent, la santé, un physique acceptable, une culture … De quoi se plaindre ? J

 

Je pense que chacun devrait être follement heureux de posséder les choses qu’il a. Un don, un objet rare, un corps, une âme… On peut toujours trouver quelque chose.

Et c’est ce qui rend chaque personne unique, mais il est vrai pas forcément intéressante. C’est à vous de vous rendre intéressant, de vous cultiver, d’avoir assez de choses en vous pour pouvoir communiquer tout cela aux autres. Le plus difficile je pense, c’est trouver les autres et encore, des autres qui vous conviennent !

 

Le combat continue :p

 

22h28 - Un peu plus tard…

 

Le ciel a parfois des allures de science fiction quand il n’est pas encore assez tard et que le gris cède sa place au bleu noir d’un ciel d’été. Alors moi je laisse filer les autres, je m’assieds et regarde passer les gens. Je les observe, je les scrute sans les scruter, et pourtant je vais là où ils vont sans savoir qu’ils y vont. Car leur vie est mécanique, sans questionnement, ou alors les questions d’usages … Vais-je garder mon job ? Pourrais-je sauter untel(le) ? Vais je gagner au Lotto ? Quand sortira le prochain Madonna ?

Bref des questions de la vie de tous les jours, que les gens normaux comme vous et moi se posent à longueur de journée. Puis ces gens normaux m’avouent aussi faire souvent la même chose que moi, m’arrêter et regarder. A ceci près que je n’ai jamais trouvé personne entrain de faire cela. Bien souvent si je pensais qu’ils étaient entrain de le faire ils attendaient leurs amours du moment, une grand-mère arthritique ou dieu sait quoi. Peut être tout simplement parce que les gens ont pas le temps, ils résistent à la tentation de ne pas être soi même… Pourtant ça revient toujours, l’important c’est d’être soi !   C’est une phrase idiote. On est toujours soi, quoi qu’on dise ou qu’on fasse… Puis si on agit en désaccord avec soi même, au lieu d’assumer on dresse l’excuse bien faite du « l’important est d’être soi, je ne l’ai pas été… » Et la tout est soudain pardonné, car une personne ose dire qu’elle est elle-même. Il faudrait pousser le ridicule à former des congres, comme ces gens qui revendiquent qu’ils sont gay. Comme si la sexualité d’une personne devait influer sur toute son existence, de la à devoir s’expliquer quant à ses pratiques sexuelles c’est triste.

« Je m’appelle Marc Durant et je suis… moi » C’est con, réducteur, car je ne veux pas être moi. D’ailleurs ni gay, ni hétéro (koike ça me tente déjà +), je veux être tout et n’importe quoi et en étant cela, je reste quand même moi. C’est déconcertant.

 

Alors la nuit vient, et le génie de l’homme a inventé des lumières pour dissoudre la nuit. Pourtant les gens deviennent flou sous l’emprise des ténèbres. Il fait soir et les gens sont des ombres. J’aime à sentir cet instant, car à ce moment je peux moi aussi me prétendre être pareil à eux, une ombre parmi des ombres. Loin d’être perdu dans la masse, j’existe en tant qu’individu et mon rêve est lumière, cendre de lune et soleils lointains.

 

Jeudi 15 juin 2000

 

C’est à vrai dire un exercice assez difficile de raconter sa vie quand il ne se passe rien. On ne peut pas inventer, on ne peut que transporter sur « papier » les evenements ou plutot non évenements du jour ou de la nuit. Si seulment je rencontrais des gens, je pourrais les décrire, dire oui je les ai vu, ils sont comme cela, ils ont une voix qui marque ou pas, ils sont grands, petits, ils marchent droits ou pas, ils m’intéressent ou pas. Mais sur ma planéte y a qu’une rose et le dessin d’un mouton, invisible dans sa boîte. Alors le monde m’apparaît lointain, comme si j’oubliais qu’il existe, je me fais à mon monde, rempli de moi même et des fantomes qui le bordent.

 

J’ai été à la Fnac et il m’est néanmoins arrivé quelque chose de cocasse. Encore une histoire de vendeuse. J’avais l’impression aujourd’hui d’attirer les regards, j’aime ça.

Veston noir, pantalon toile à plis, démarche posée, j’avais l’air bien, un homme normal, séduisant et qui avait toute la vie devant lui.

A la caisse, une fille seule, derriére le comptoir, j’arrive et elle je lui tend un livre (sur un artiste contemporain, un japonais qui fait des toiles avec la brulure de poudre d’artificier). Elle passe deux secondes à me regarder, et le réalise, rougis immédiatement, et bredouille une excuse en me sortant que j’ai de l’allure… Elle s’enfonce encore plus et moi je souris, quasi ivre de joie de provoquer certaines réactions chez mes « semblables ». J’adore cette idée de séduire, d’allumer sans consommer. J’aimerais arriver au but que tout le monde se retourne sur moi, devenir sur-humain. Mais ces gens la sont souvent seuls, incapables de partager leurs émotions, leurs désirs. On avait déjà diagnostiqué un génie latent dans ma petite enfance où je m’enfermais dans une sorte de monde intérieur en réaction aux choses que j’ai subies. Pourtant je m’en suis sorti et j’ai developpé tres vite le don de la lecture et de l’empathie. Mes seules phrases étaient des questions, je voulais tout savoir sur tout. Apres des tests on m’accorda un statut d’enfant en avance, ce qui me donna un bref moment de facilité. Apres bien entendu je me suis renfermé et inhibé ce « don » qu’on pronostique souvent comme une maladie.

 

Je suis retourné chez mes parents, ça faisait plus d’un mois que je n’avais plus eu de contacts avec eux. Des mon arrivée, je me suis remis au piano et j’étais bien.

 

Vendredi 16 juin 2000

 

Ma foi rien d’intéressant à raconter, j’ai repris un entrainement plus régulier pour re-construire mon corps. J’ai l’impression de chaque fois recommencer tous ces efforts pour pas grand chose. Pourtant mû par je ne sais quelle force (l’energie du désespoir, ou l’espoir justement) je continue encore et encore à « pousser de la fonte » comme on dit. En tout cas, si ça ne me rend pas plus intélligent, ça me rendra plus harmonieux et renforcera mon attrait.

 

Ce journal suit un peu le cours de ma vie, avec ses hauts et ses bas. En ce moment je m’occupe moins de lui car je ne trouve plus grand chose à dire.