Samedi 17 juin 2000

 

« Ce petit bonhomme aveugle, âgé de quelques jours, qui tourne la tête de tous côtés en cherchant on ne sait quoi, ce crâne nu, cette calvitie originelle, ce singe infirme qui a séjourné des mois dans une latrine et qui bientôt, oubliant ses origines, crachera sur les galaxies… » Cioran

 

J’aurais sans doute beaucoup à dire si ces choses voulaient sortir, si l’inspiration pouvait donner corps à mes mots pour enfin garantir une certaine beauté à ce texte qui faute d’être vide, se perd en explication redondante.

 

Ce soir j’ai encore été surpris par la facilité qu’on certaines personnes à en haïr d’autre. Même si ce terme est un peu fort, il n’en demeure pas moins que des sentiments ingrats, mesquins et destructeurs passent un peu trop souvent dans la tête de l’un ou l’autre confirmant que la race humaine a son chemin à faire dans « l’amour de son prochain ». D’après Origène, seules les âmes portées au mal « ayant leurs ailes brisées », revêtent un corps.

 

Je me demande si c’est par facilité, dégoût de soi ou perversion que les gens en arrivent à tellement se rabaisser qu’à un moment ou à un autre ils explosent et vous reprochent telles ou telles choses sans apport de solution, c’est à dire une haine stérile qui n’engendre que le mépris et l’incompréhension. Mais comme on dit, il faut s’avoir pardonner, car en somme à quoi servirait d’abaisser quelqu’un qui ne demande qu’à s’élever ? Si l’on commence à haïr celui qui nous déteste nous formons un cercle vicieux et devenons celui que nous ne voulons pas être, une caricature de l’autre.

 

J’aimerais penser qu’être le moteur d’une quelconque vindicte peut être flatteur, c’est sans doute un moyen positif mais vaniteux de réagir. Apres tout ne me reproche t’on pas dernièrement mon nombrilisme, mon culte de la personnalité-mystére fantoche ? C’est plutôt comique je trouve, sans doute pas faux ni vrai, et puis est-ce que ça laisse à réfléchir ? Même pas… Au mieux, cela fait une entrée de plus dans mon journal, quelques réflexions insipides et de beaux mots jetés à la face du monde.

 

Je n’en veux à personne d’être ainsi, il vaut sans doute mieux être comme ça que de n’être qu’une personne fade, sans opinion, sans jugement, qui se laisse porter par les événements et qui au plus haut de sa créativité emprunte le jugement d’autrui pour en faire sien et le brandir comme un drapeau nouvellement acquis dans une lutte banale et caustique. A peu de choses près, je vous salue messieurs les pourfendeurs de nuages, les émetteurs de jugements rapides, les convoyeurs d’idées toutes faites et généralistes de peu de talent, je retourne sur ma tour d’ivoire regardant votre faible ascension me retenant de me gausser de vos glissades et au cas où, vous portant secours si d’aventure vous le méritez.

 

dimanche 18 juin 2000

 

L'espace est sucré…

 

J’ai recommencé avec une certaine nostalgie « Diane ou la Chasseresse Solitaire » de Carlos Fuentes. Sous le nom de Diane Soren, il parle en fait de Jean Seberg, la célèbre actrice américaine qui affola la nouvelle vague française dans les années 60. Je me rappelle « A bout de Souffle » et « Bonjour Tristesse » où elle a réussit à me toucher et à me remplir de ce je ne sais quoi qui marque une personne pendant des années, si pas toute une vie.

 

Le cinéma est ainsi, lui et ses acteurs il modèle notre vie, nous inspire, nous dicte une conduite, des attitudes, nous donne des souvenirs jamais vécus en son et en image. Le livre des temps modernes en somme, accordant un nouveau statut à ces gens qui miment la vie que nous aurions toujours voulu avoir, le statut de star ou mieux SuperStar (terme inventé par une égérie de Warhol dans les années 60). On peut alors désormais employer tous les superlatifs possibles mega-star, hyper-star, une superfunkycallifragysexy-Star… Bref vous voyez ce que je veux dire, on manque de mot pour qualifier les illusions.

 

Moi je pense aux stars du quotidien, celles qui ont pas besoin de jouer dans un film pour se faire aduler, se faire aimer. Parfois ce sont même des gens discrets, qui pensent qu’ils sont invisibles. Pourtant à mesure que se développent des liens, ils existent et remplissent l’espace et les rêves de leur divine et majestueuse invisibilité.

 

Quelque chose m’a marqué plus qu’une autre chose dans ce livre, c’est la qualité qu’ont certaines personnes d’être tantôt sucrées par endroits, tantôt salées. Comme si l’esprit apposait à certains endroits des zones plus douces que d’autres pour des raisons sommes toutes assez mystérieuses. On se plait alors à croire à une poésie de la surface, comme si certains lieux dans le monde pouvait aussi être sucré ou non, devenir amer dans certains coins ou se réveler doux pour l’âme ailleurs.

Les scientifiques ont mis en évidence un fait qui me réchauffe l’esprit et me donne le sourire… « Des astronomes attachés à l'observatoire américain de Kitt Peak ont détecté des molécules de glycolaldéhyde dans un nuage de poussière spatiale nommé Sagittarius B2, à 26 000 années-lumière de la Terre. Cette molécule est intéressante car il s'agit d'un sucre simple qui entre dans la fabrication de diverses substances chimiques indispensables à la vie. »  Ce qui nous fait dire que l’espace est sucré et que s’il était rose il pourrait ressembler à une immense barbapapa… Moi j’aime bien J

 

Lundi 19 juin 2000

 

La haine est une lâche extension de la peur…

 

Ainsi nous sommes confrontés chaque jour à ce qui peut nous blesser. Faut il pour cela se renfermer, devenir dur jusqu’à ne plus ressentir ce qui nous touche ? Peut être aussi que les gens qui disent cela ne le sont pas justement, dur. Qu’ils ne sont pas fait pour la rigidité mais pour tout ce qui fait la tendresse et la douceur du monde.

 

Je me sens éloigné de ces gens, de ceux qui pourraient m’aimer et me comprendre. Le net ne suffit pas toujours, le manque de chaleur humaine me tue petit à petit, cette solitude me ronge et j’en viens à m’effrayer moi-même de ce que je suis devenu. Les dernières personnes que je connais sont coincées dans un boulot et dans une vie somme toute pire que la mienne, sans ami, sans amour.

 

Je comprends mal pourquoi les gens m’envie, certains rêve d’avoir ce que j’ai, d’être ce que je suis, du moins on me l’a déjà dit. C’est étrange. Dans un sens cela me fait du bien, ça me rassure. D’un autre côté l’isolation qui est la mienne me dérange, m’éloigne du monde et de l’existence. Même la mort me paraît lointaine, comme si aucune issue n’était envisageable à long terme. Car dans l’immédiat une foule de choses arrivent, de nombreuses soirées (où personne ne parle à personne), des voyages, la reprise de cours d’histoire de l’art contemporain et une émission radio. Ma vie est pourtant active… Cinéma, musculation, exercices en tout genre, lecture, internet. C’est pas mal je trouve. Même si la seule personne que je rencontre dans mes sorties est la même : Bruno. Pourtant j’adore ce type, c’est une des rares personnes avec qui je me sente bien.

Néanmoins, la perspective de ne voir qu’une et unique personne à longueur de mois est parfois très triste. Mes nombreuses sorties et ma liberté ne me permettent pas dirait on de nouer contact avec mes semblables, tous préoccupés par leur travail ou par un cercle d’amis déjà au complet.

 

Je pense me renseigner activement auprès des hôpitaux pour commencer à changer de corps. L’opération corrective de ma myopie est la première étape. Je pense que je me sentirai mieux et que les gens s’intéresseront mieux à moi. C’est idiot d’en arriver la… Pourtant je n’ai maintenant que peu d’envies, je profite de la vie au jour le jour, ne me plaignant jamais, devenant ainsi la personne la plus heureuse et la plus positive que je connaisse.

 

Mardi 20 juin 2000

 

C’est étonnant comme des bétises peuvent vous rendre joyeux… MTV est désormais en français et moi je dis bravo J

Ce mardi est bien vide en anecdotes ou en choses à raconter. D’ailleurs l’inspiration ne me vient pas. Je vais laisser ces quelques jours travailler leur vide…

 

Mercredi 21 juin 2000

 

[03:36] <Night04> on a trouvé de l'eau sur Mars... tu viens t'y baigner avec moi au clair de lune ?

[03:36] <carolune> oh... de l'eau sur mars et du sucre dans l'espace...

[03:37] <carolune> joli mélange

 

Un peu de bleu sur la planéte rouge J

 

Je vais laisser passer un peu de temps, les jours sont parfois assez vide et ne demandent pas à être remplis, alors je les laissent blanc comme cette page, une sorte de petit refuge à la pureté et au non-dit… Aphonie.

 

Jeudi-Vendredi-Samedi 24 juin 2000

 

Avez vous déjà regardé profondément quelqu’un jusqu’à tout savoir de lui ? Vous fondre en lui comme une glace fond dans la bouche et dévale votre gorge déjà un peu chaude, se souvenant à peine de sa froideur passée. Moi j’voudrais être comme ça, quelque chose de froid qui se réchauffe au contact des gens qui voudraient bien m’ingurgiter, disons me comprendre, me cacher un peu au fond d’eux, me faire vivre…

 

On cherche tous à avoir une importance pour chacun, de toutes les façons possibles. Des plus idiotes aux plus sérieuses, certains étudient des tonnes de choses pensant que citer de grandes dates, des courants artistiques, des notions philosophiques complexes les rendront fascinants, d’autres tentent des pseudo-tentatives de suicides en forme d’appels à l’aide, certains se dévouent corps et âme à leurs prochains jusqu’à oublier leur propre existence... Bref chacun comme il peut explore le monde pour y trouver une petite place parmis ses contemporains, et on y arrive petit à petit avec l’espoir d’en avoir toujours plus.

 

L’espoir fait vivre alors vivons, peut-importe si on pense mal vivre, l’important est d’exister et de se le prouver de la manière la plus saine possible.

 

Dimanche 25 juin 2000

 

Je suis une machine bien huilée en quête d’un moteur qui me fera redémarrer.