Lundi 26 juin 2000

 

Le silence est une arme

 

Je m’en veux un peu, je délaisse ce journal, et pourtant ma vie ne connaît pas de renouveau qui pourrait excuser cet abandon. Mais d’un autre côté, la tenue d’un journal devrait plutôt être un plaisir qu’un devoir. Et comme mon inspiration n’est pas toujours ce que je voudrais qu’elle soit, je préfère réduire mon débit et ne pas vous infliger des choses médiocres ou inintéressantes. Je me tais…

 

Communiquer par silences interposés, par non-dits, et si seulement le geste était présent, mais l’écran d’arrêt nous coupe de notre réalité, nous poussant un peu plus dans les retranchements opaques d’une réalité de carton pâte, un surréalisme ardu qui nous laisse face à soit même où l’autre se résume à quelques phrases sur un écran.

Ici la chaleur humaine est la chaleur du clavier, le souffle du radiateur, et son œil unique, fenêtre sur le monde, nous invite à aller loin, à rouler sur les autoroutes de la communication sans trop de haltes, sans trop d’écarts, confinés que nous sommes dans notre petit refuge câblé.

 

Adepte du nombrilisme du petit écran, notre ombre, notre image faussée s’étale à des kilomètres loin de nous, nous rendant la tache un peu plus difficile et d’autant plus contradictoire que l’autre nous oblige à croire autant à nous qu’en lui. Ici notre vie s’achète où l’illusion prend ses marques…

 

Mardi 27 juin 2000

 

Bon vala j'ai retrouvé mon inspiration, elle était tombée entre les coussins du divan, suffit de chercher dans les coins les plus bizarres et la vérité nous saute aux yeux…

 

Soyons honnêtes, nous sommes tous coupables !

Cette culpabilité on la porte comme une croix plus ou moins lourde selon l’indulgence que chacun se porte. Mais comme l’homme est pétri d’excès en tout genre, on peut souvent voir des croix peser la tonne. Voilà l’expression adéquate… En faire des tonnes !  Se rabaisser à tel point que les autres attrapent un torticolis à vous parler, parce que vous êtes trop sûr de vous et de votre élégiaque petitesse. Votre manque de fierté vous rend brillant certes, mais c’est une lumière volée, un reflet. Car d’une certaine façon, l’art de la plainte est un art comme un autre, et si il est bien orchestré il peut réellement faire mouiller les yeux et trembler les lèvres, alors la le but est atteint, car justement vous avez atteint l’autre, en plein cœur, creusant vos marques jusqu’à l’âme parfois, vous savez ce pti nuage portatif qui vous suit partout et auquel on doit la conscience d’exister. Justement, faudrait voir cette aversion de soi comme une maladie de l’âme. Reste à savoir comment soigner un nuage ?

 

Existe il des cliniques pour nuages ? Des médicaments pour nuages ? Me prendra t’on pour un fou si d’aventure je vais demander dans une pharmacie un remède pour nuage enflammé ? Mon nuage pleure car je suis plus moi-même, il se réduit petit à petit et l’ombre lumineuse qu’il portait jadis et maintenant gris souris effrayé et moi aussi j’ai peur, j’ai peur du noir car il est ce que j’ai en moi et que je n’ose pas regarder. Le noir c’est ce que j’ai en moi et qui se retrouve ailleurs, ce que je peux pas atteindre du doigt, ce que je peux pas toucher et qui me manque.

 

Alors les gens qui ont la maladie du nuage enflammé, ils aiment la pluie parce que ça permet de regonfler un peu leur nuage, parfois il s’éloigne pour aller jouer avec d’autres nuages, ceux la sont gris-noir, mais peu importe, ils sont pas contagieux J

Un jour on réalise tout doucement que toutes ces personnes autour de vous voient le nuage qu’on s’efforce à ne pas voir, on pense tout d’abord que ces gens sont fous ou polis, au mieux gentil. Pourtant les preuves s’accumulent et l’évidence avance petit à petit. Alors la on se rend compte enfin que l’on est bcp moins nul qu’on le pensait alors, et que le nuage qu’on abrite a recommencé à briller.

 

Moi je lustre les nuages, je les réveille, je suis le réverbère de la cité des nuages, l’allumeur d’étincelle dans les yeux de ceux qui vivent, le pourfendeur des larmes et l’empêcheur de râler en rond, carré, triangle et géométriquement plus s’il faut ! Encore un peu de courage, vous êtes près du but, encore quelques pas et…

 

Mercredi 28 juin 2000

 

Je fais des saloperies pour que les gens les mettent dans des espaces qui devraient être vides ; c’est à dire que j’aide les gens à gaspiller leur espace alors que ce que je voudrais, c’est les aider à le vider. Andy Warhol

 

J’aurais voulu lancer une reflection inspirée sur l’espace et comment le remplir ou non de notre présence, mais je ne m’en sens pas le courage ni le devoir pour le moment, je range cela en moi pour une prochaine tentative.

 

Aujourd’hui je vais la où je ne veux pas vraiment me retrouver, au milieu d’une foule informe qui ne trouve réjouissant que les plaisanteries douteuses et les blagues salaces… Pourtant, j’ai envie d’y aller, peut-être pour me vacciner (après tout un vaccin consiste à inoculer la maladie pour faire travailler notre système immunitaire), ou encore pour te trouver toi, qui n’a rien à faire non plus au milieu de cette foule et qui saura me dire de quelle lumière est l’aura qui m’illumine.

Ce qui me pousse aussi est ce manque de contact humain (ah Solitude quand tu nous tiens, on peut dire adieu Prudence) .

 

Je me prépare et vous raconte ça à mon retour J

 

Jeudi 29 juin 2000

 

La fille des limbes…

 

Pensez vous que la beauté puisse être un défaut majeur à notre époque ? Pensez-vous qu’il faille que la personne qui pense cela soit immédiatement considéré comme mentalement dérangée et hérite de toute urgence d’une camisole grise d’une maison de repos de seconde zone et de petites pilules multicolores aussi nombreuses qu’une boite de m&m ? Si c’est le cas, je suis le gagnant du jour, car j’ai la tristesse de pense cela. La beauté est une aberration de la nature qui plonge l’homme dit moyen dans des abîmes de perplexité et un questionnement à peine concevable normalement.

 

Pourtant, le contre nature nous fait rêver, car ce qui est contre nature est peut être plus proche de l’harmonie que la normalité. La normalité après tout n’est que l’héritage de la norme mise en place, donc régie par la culture et l’époque. La norme est humaine, profondément humaine. Certaines artistes ont pris la nature comme norme, comme point de départ de toute harmonie… Puis petit à petit le dérèglement est venu arranger tout cela, on a aimé déformer le visage sous l’expression, puis sur des impressions de lumière, puis sous une géométrisation des corps, le cubisme, pour finir la courbe s’est faite ligne, droiture et cercle parfait, pour retomber dans des jets de peintures, comme si l’homme avait besoin tout à coup de définir la vraie beauté par le chaos originel. Et puis qui sommes-nous pour juger la beauté ?  On peut certes affirmer nos goûts, je pense que cette chose est belle car elle me plait… Il y aura toujours quelqu’un pour décréter que telle chose ne lui plait pas pour x raisons. Cette chose alors est elle intrinsèquement belle car gagnant le plus haut suffrage contre quelques voix contre ? Est-ce que la quantité à t’elle ici raison ? Ou la qualité de l’explication ? Ou ni l’un ni l’autre ? Une chose est belle à partir où une personne trouve belle cette chose, même si elle est seule contre tous ? Si vous êtes d’accord, vous êtes donc d’accord pour affirmer que toute chose est belle à partir du fait qu’une personne trouvera toujours ,même la chose la plus abjecte, belle pour une raison valable ou par goût ?

 

Donc la norme est éradiquée dans ce cas, la beauté est universelle ou n’existe pas. De ce fait comment peut on dire qu’elle est un défaut si elle n’existe pas ou pas assez ?

Dans ce cas ci, j’ai rencontré une fille qui portait en elle une sorte de lumière pale, et sa beauté aurait pu me traverser, me dévaster, que dis-je m’atomiser.

Puis je suis sûr que cette fille si elle lit cela se sentira soit gênée, soit offensée, soit étonnée car c’est bien connu, la plupart des gens pour des raisons qui échappe au bon sens se détestent cordialement. Certains se détestent car ils ne répondent pas au canons esthétiques imposé par les médias, mais les autres ? Ceux qui rentrent plus ou moins dans le moule étroit que nous mitraille revues, télé et affiches pub, de quoi se plaignent ils ? Du fait de n’être que des icônes ? ou justement d’être trop réel, d’avoir une dimension en trop qui leur feraient ressembler à la fille ou au mec dans la revue ?  C’est un problème de dimension donc…

 

Cette fille s’appelle Audrey, elle ne parle presque pas car elle exécute une timidité en phase terminale, bientôt elle sera libérée de cela car son entourage l’y aide autant qu’elle-même. Audrey est une fille qui réfléchit, elle pense en plusieurs langues, gravite des monts, saute des obstacles, frappe sur des futs, a des vices délicieux qu’elle n’abandonnerait pour rien au monde, aime fumer, aime boire de la bière, aime la choucroute… Pour n’importe qui ces défauts majeurs se transformeraient en tare mais chez elle, ces défauts s’anoblissent au point de devenir des qualités, car en acceptant sans culpabiliser ces choses, elle donne une leçon à tous les empêcheurs de tourner en rond et au final fais aimer la vie. Audrey a ce don, je ne lui connais que celui la pour le moment, car je ne l’ai pas vu énormément.
Tout ce que je sais d’elle c’est que je ne l’aime pas car je pourrais l’aimer, qu’elle aime les nits, qu’elle a un air étonné qui étonne, un sourire qui désarçonne et qui fait tomber de haut quand on n’y prend pas garde. Audrey c’est une fille qu’on aimerait connaître, mais qui n’a pas le temps, elle se partage entre vous et l’inconnu, ces limbes dont elle est issue et qui l’engloutit à chaque fois qu’on ne la voit pas.
 

 

vendredi 30 juin 2000

 

Apres cette soirée avec Bruno, Pierre, Audrey et quelques autres, nous sommes allés faire nos courses avec Bruno. Fatigués comme nous le sommes, impossible de faire quoi que ce soit de bien avec ce journal. Ces lignes d’ailleurs transpirent la fatigue et l’humidité froide matinale. Je pense que je vais dormir quelques heures avant la soirée de ce soir…

 

Samedi 1 juillet 2000

la beauté induit t’elle des delais ?

 

Je parlais à Cain de cette injustice (car les choses qui sont contraires à nous sont des injustices) de ne pas voir les gens qu’on aime plus souvent, et qu’il faille parfois attendre 2 ou 3 mois avant de jouir pendant 1h ou 2 de la présence d’un ami ou plus rarement d’une amie. Je mettais ça sur le compte que plus une personne est belle et plus elle a des amis, donc ça la rend moins disponible. Cain m’a alors sorti cette merveilleuse question : la beauté induit t’elle des delais ? J’ai adoré !

 

Je persiste à avouer que je suis fou d’Emanuelle Beart… Même si la plupart de ses films me laissent quasi indifférent, je suis fou de ce qu’elle est, de ce qu’elle pense, de sa maniére d’expliquer les choses et de les vivre. Puis cette aggressivité minuscule mais carnassiére à la fin de chaque mot, ce charme douloureux qui sort aux forceps, ses phrases qui sont plus rescapées que mises au monde, j’aime ses hésitations laborieuses mais splendides et surtout le fait que sa beauté se change avec l’âge en quelque chose de plus fort, en une présence charismatique que j’aimerais développer chez moi à partir de mes silences, mes non-dits et mon caractére.

 

Elle dit dans une interview : « Vers quoi me suis-je penchée si dangereusement ? Qu’ai-je voulu regarder, puis toucher ? La notoriété ? Quel manque d’imagination ! Non, quel manque de… Quel manque ? Qu’avais-je en moins pour courir apres cette chose gluante qui ne cesse, apres, de vous poursuivre et de vous empêcher d’être dans la vie. » Et je la comprend, ce sont souvent les gens que l’on comprend bien qui nous semblent le plus proche, mais bizarement on échoue en aimant ceux que l’on ne comprendra jamais. Comme pour donner un sens à la maxime « Les opposés s’attirent » Mais faut il juste s’attirer et relacher ensuite pour repousser le risque de l’étreinte ou au contraire se lancer à corps perdu ce qui nous perdra mais qui nous donnera du bon temps, un moment.

 

Depuis quelques jours on fore, on martéle, on creuse des recoins inconnus de mon appartement, le son s’éléve comme une rumeur. Parfois le bruit de la foreuse évoque le son de la fraise du dentiste, et la ça me fait peur. On dirait que la maison est malade, qu’on la soigne en lui mettant des plombages, qu’on lui ouvre le cœur pour voir si il bat toujours, mais comme l’anatomie des maisons est un peu différente de la notre, on doit faire de nombreuses tentatives avant de trouver le cœur. En ce moment ce bâtiment ne rêve plus, c’est moi qui rêve. C’était étrange, il y avait un batiment qui aurait pu etre une gare mais qui abritait un genre de palais bouddhique ou japonais, quelques personnages en tenue de samourai étaient présents. Dehors un immense champ de blé, je m’y retrouve et dois fuir un vêtement noir qu’une force invisible agite, elle finit par faucher les blés et me faire fuir en me poursuivant une fille et moi, des blés me touchent, ils tombent sur moi mais je parviens à m’échapper. Dans le temps on m’apprend que je dois cultiver certains pouvoirs que je maitrise encore mal, que je dois rester. Alors cette fille que j’identifie à Marie Gabrielle, une fille dont j’ai été fou et qui ne m’a jamais aimé, prend un escalator et s’en va vers Paris ou du moins je le pense. Je lui demande si elle m’aime, mais elle se désintéresse de moi et continue sa course. La personne devant elle se retourne et demande pourquoi n’avez vous pas répondu ? « Parce que je l’aime pas » Réponse : « Vous êtes dégueulasse »… Je me reveille avec un sentiment étrange et pas des plus agréables. Je souffre.

 

 

Dimanche 2 juillet 2000

 

J’en viens à considérer toutes ces soirées comme des exercices corporels à part entière, alors que la plupart des gens vont pour s’amuser ou tuer une solitude, moi j’y vais pour construire mon corps. Unique but actuel que je me suis fixé, regagner la confiance que j’ai perdue ou que je n’ai jamais eu en la représentation de moi-même. Pas gagné je sais, mais je fais des efforts, énormément je pense. En espérant que toutes ces privations et exercices seront payants un jour.

 

Les forages continuent, j’ai encore revé de Marie Gabrielle, nous partagions un appart avec plusieures personnes et ses quartiers se situaient derriére une baie vitrée floue, on ne voyait que des ombres. Elle était assise au bout d’une table, toujours calme, occupée par ses rituels simples et qui ont toujours eu le don de me fasciner. C’est vraiment cruel comme l’amour peut vous narguer, même en rêve…

 

Je me demande vraiment ce qu’elle devient, alors cette question me hante, fais ressurgir d’autres fantomes et ma vie devient le reflet d’un passé obscur, qui se désagrege à mesure qu’il me fait souffrir et mourir à petit feu.

 

Lundi 3 juillet 2000

 

On the other of the galaxy

 

Nous avons tous cette quête, la recherche de ce sentiment de complicité mêlé à une liberté profonde, une sorte de bonheur extatique qui réussit à nous marquer pour toute une vie. Je ressens parfois ces choses, mais j’ai peur de n’avoir que des souvenirs et aucun d’avenir. L’avenir me fait peur, la peur de vieillir, de voir ainsi ma vie m’échapper et les autres personnes me tourner le dos.

 

Le bonheur c’est comme créer un univers, j’en suis au big bang, je joue avec le vide désordonné, le chaos et les planètes même pas formées. Je regarde de loin les végétations se former après le tumulte des océans et la fin de règne des nuages épais. Les premières formes de vie éclore puis s’éteindre, je ressens alors en moi toute cette vie qui a vécu, il suffit d’un minimum de concentration pour ressentir la vie, après, elle vous lâche plus.

 

J’aime ce sentiment qu’on a quand on se réveille et que l’on peut encore savourer les maigres souvenirs d’un rêve qui disparaîtra dans le courant de l’heure qui suit. C’est un moment d’oubli, de partage avec l’inconnu et l’immatériel, car ce qui nous plait le plus en nous c’est cette faculté à capter et approcher le divin ou du moins cette petite étincelle que l’on aime croire surnaturelle et qui vous rend en fin de compte assez heureux pour sourire.

 

Ce matin j’ai envoyé un mail à Caro, à la fin je lui ai dit que je l’aimais, parce que le fait de dire cela me manquait… En quelques minutes sa réponse fusait et elle me répondait par un « Je t'aime aussi... :) bicoup bicoup » et ça m’a fait plaisir, j’ai eu cette impression bizarre qu’on a quand on a l’impression d’avoir perdu quelque chose pour toujours et qu’on a l’illusion que cette chose revient. Vous vous rendez compte, quelqu’un me trouve assez bien pour m’aimer ! En tout cas ça me remonte un peu le moral et ça me fait dire que tout n’est peut être pas perdu…

 

J’ai acheté la derniére K7 d’X-files… J’ai ressenti un certain moment une présence, quand Mulder apprend la mort de sa mére, Scully lui prend la main. Et j’ai ressenti cette main sur moi comme quelque chose de chaud et d’impalpable avec cette sensation de protection, de bienveillance, comme si quelqu’un me disait « je suis la » et brisait quelques années d’ultra-solitude. Je vais m’en aller dormir avec le je t’aime de Caro et cette sensation neuve. Peut-être que Marie Gabrielle me sourira dans mon rêve, peut-être vais-je rêver à ceux qui ne sont pas la et qui me manquent vraiment. Le rêve reste à ce jour ma seule vie sociale où je vois des gens, où je discute avec et où ils me font autant souffrir que dans la réalité, mais au moins dans le rêve on c’est que c’est du rêve alors on se console plus vite, on oublie…

 

mardi 4 juillet 2000

 

There's nothing but light that comes into sight
The present like I've never seen it before
Is this the right place to stay
Please my wings fly me away

                  (Lene Marlin)

 

Un peu de brume, un soleil blanc qui se greffe au ciel et arrive à nous aveugler, un horizon envahi de lumière vive, voilà comment le monde se présente à moi ce matin.

Aujourd’hui est un de mes rares jours de sortie J  Je vais faire les boutiques de fringues avec TommyGun.

 

16h30

Vous pourvez croire ça !!! Il est pas venu…

Merde.

 

Mercredi 5 juillet 2000

 

Dust on the wind…

 

J’ai passé ma journée à traîner en ville, à observer les gens, à scruter des visages, à définir des gestes et étudier des attitudes. C’est fou ce qui se passe vous savez, pourtant en faisant ça tous les jours, je me sens de plus en plus seul. Comme une petite poussière dans l’œil du monde, un truc qu’on remarque pas mais qui agace et qui parfois fait pleurer.

 

jeudi 6 juillet 2000

 

Il pleut du deutérium au centre de la Voie lactée

 

On dira ce qu’on voudra mais je passe plus ma vie ailleurs qu’ici… Et puis-je raffole de ces nouvelles, je me sens un peu comme une étoile aux pointes arrondies et aux arêtes émoussées, une sorte d’étoile en pluche comme on trouve dans certains magasins. Et puis, je serais pas jaune, parce que c’est fait pour celles qui sont au ciel, moi je serais noire pour me cacher dans la nuit et te surprendre quand tu dors. Oh oui ça j’aimerais bien J

 

Narcissus drank the river…

 

J’ai retrouvé l’envie de réécouter un cd qui m’a longtemps suivi… La Vierge du Chancelier Rolin, groupe phare chez les groupes amateurs belges période 94-95 et concurrent direct de mon groupe d’alors, où nous nous partagions les pages des magazines et les concerts. C’était avant tout des gens que j’appréciais et que je respectais, et si leur musique est maintenant empreinte de ce petit goût de passé, la beauté reste intense. Douceur du violent, emphase poétique, voix profonde et théâtrale, rapport direct au romantisme et au dandysme d’un siècle révolu. Je me suis mis alors à penser à cette époque, je connaissais du monde, j’étais un personnage qu’il fallait connaître, traînant l’aura de mon groupe, mes émissions radio et mon petit magasine, j’avais les faveurs de beaucoup de monde. Je passais mes journées à refuser des rendez-vous pour pouvoir caser telle ou telle personne. J’ai eu l’immense chance de côtoyer certains groupes que j’admire, de rencontrer des gens tels que Dominique A, Olivier Andu, Christian Wolz, Simon de And Also the Tree, le groupe Deine Lakaien, Miranda sex garden, Corpus Delicti et des tonnes d’autres. J’avais une amie, des tonnes de gens à voir, ma vie sociale était géniale… 5 ans après, je revois le passé avec mélancolie, comme si j’avais perdu à une roulette cosmique. Plus aucun ami, plus de relation, plus de copine, je passe mes journées dans une petite pièce avec un ordinateur pour compagnon, je sors dans des soirées où je m’ennuie avec le seul ami que j’ai et que je vois trop peu souvent. Je ne suis définitivement plus adapté à continuer ce genre d’existence, pourtant je ne vois aucune solution raisonnable. Les personnes qui me connaissent envient mon « savoir », mes dons musicaux, mon fric, mon charme et ma beauté, mon charisme, ma résistance, ma santé, ma façon de raconter les choses, mes yeux, mon style de danse… Apres tout c’est eux qui le disent, moi je passe un temps fou à essayer de croire tout ça pour m’aimer un petit peu et me dire que je dois encore continuer quelques mois et puis on verra bien. Pourtant j’ai peur du vide, peur de manquer un truc pendant mon absence et si le réel but la dedans était la résistance, l’épuisement des forces à son paroxysme pour faire un être neuf et aguerri aux techniques de l’étouffement par solitude ?

 

En attendant, je pleure mes années perdues, je me sens vieux, perdu, ramassé sur moi-même, n’ayant que l’écho bienveillant des derniers amis qu’il me reste et me nourrissant de ces échos d’encouragement comme un Narcisse moderne se délectant de son reflet faute de mieux…