lundi 17 juillet 2000

 

Ma peau sent les cours humides, les champs abandonnés, je me penche sur le bord du monde, tu n’es nulle part (Anise Koltz)

 

Je reçois de temps en temps des réactions à mon journal, parfois elles sont juste un encouragement, des félicitations, parfois ça donne à réfléchir.

 

« Je pense que seuls les gens biens peuvent avoir un jour la chance de connaître l amour parce qu ils en connaissent la valeur et sauront le préserver (tiens quand je dis ça je me demande si je fais partie de cette catégorie ou pas mais toi bien que je te connaisse très peu, je crois que tu en fais partie... a toi maintenant de vérifier ma théorie). »

 

L’amour reste une question vaste et toute réponse, toute hypothèse ne peut être qu’incomplète et soumise à un tas de dissertations plus ou moins contradictoires. Dans un monde idéal, oui l’amour appartient aux gens bien, dans un monde idéal les bons gagnent toujours et les princes épousent des bergères. Pourtant je ne veux pas être amer, même si je clame bien haut que je ne veux plus personne et que même si je voulais, je ne trouverais pas, je pense tout bas au fond de moi qu’il existe des possibilités, des opportunités à saisir et que rien n’est perdu. Je pense Dotty que chaque personne qui se pose ce genre de question est quelqu’un de bien, mais être bien est aussi soumis à l’avis de chacun. Tout est tellement compliqué…

 

Dans un monde idéal, je ne me pose pas de question, je rencontre des gens, ils me plaisent, je ris, j’aime. Reste à calquer ce monde idéal sur le mien et c’est pas facile facile, mais ça arrive, je le sens.

 

16h38

 

Avec elle je suis moi, pas besoin de faire semblant d'être normal (D. Coupland)

 

J’ai reçu un mémo de Carolune, où elle me disait les choses que j’avais envie d’entendre « j'espère ne jamais te rendre indifférent ou cesser de t'inspirer. J'suis contente que tu existes » Comme toujours je ne trouve pas mes mots, je souris et je sais que quelque part, au Québec quelqu’un m’aime assez pour me trouver bien même sans me voir. Je pense que ça doit être ça l’amour ou une forme d’amour. Peut-être que je ne me donne pas les possibilités d’être heureux, peut-être que mon bonheur se situe ailleurs, dans un ailleurs qui te ressemble…

 

17h10

 

Pourquoi je pense à Audrey si souvent ? Je ne la connais pas, je n’en suis pas amoureux, pas de coup de foudre ou de décharge, au mieux un tremblement. Le tourbillon m’aspire, tout tourne et rien ne s’arrête, j’expire… Je me dis qu’elle n’a que sa beauté, puis Tommy fait mal semblant de ne pas l’aimer, de ne pas demander plus, je sais qu’au fond de lui il a cette flammèche qui crépite et a envie de dévaster forêts et champs. Et moi je me sens pas assez canadair pour étouffer sa passion. Audrey ressemble à celle que je pourrais aimer, mais elle ne l’est pas ou du moins pas encore, sans doute jamais.

 

mardi 18 juillet 2000

 

Me and the dragon can chase all the pain away (Placebo, My Sweet Prince)

 

Aller du coup de foudre au coup de fouttre, pas mon genre. C’est dommage pourtant, ces belles occasions pourraient garnir ma vie de belles émotions et d’anecdotes salées. Mais comme on le sait, le sel est mauvais pour le cœur, il le fait pencher du mauvais coté de la balance, il le fait dérailler. Alors moi j’y tiens à mon organe, au palpitant comme certains l’appellent.

 

Moi je veux un dragon en papier qui cracherait des flammes et me transformerait en fumée bleue qui volerait au-delà des océans.

 

mercredi 19 juillet 2000

 

je veux une clé comme dans les jeux vidéos, celle qui fait traverser les murs et grimper d'un niveau pour passer de l'autre côté... (D.Coupland, Microserf)

 

Les choses curieuses sont pures et se laissent approcher par dépit, faute de présence pour exister. Tu es une opale, noire et ronde, qui me glisse d’entre les doigts, qui roule jusqu’au vieil océan pour se terrer sous des coraux rouges, jaunes, bleu jusqu’à la fin des temps.

Je suis ici et d’ailleurs, organisant la ronde des vents qui tonnent, je suis le repis que l’on s’accorde et l’envie que l’on écarte, tout est ainsi consommé sans souvenir, sans crainte d’un lendemain aphone qui ne chante pas.

 

Pourquoi les choses ne sont pas comme les poésies, belles, simples et tendres. Pourquoi me reproche t’on mon monde intérieur ? Je le trouve intéressant, doux, plein de chimères et d’histoires, assez vaste pour que tu t’y fasses une place.

Tout le monde veut changer ma vie, comme si j’étais une boite contenant un puzzle complexe, on s’amuse à imbriquer mes pièces pour que je ressemble à la photo sur le couvercle de la boite. Je veux pas, je vous lance mes pièces à la figure, je veux être un amas grouillant, une pyramide de désordre, où chaque parcelle aurait son histoire, sachant pourtant qu’elle appartient à un tout. Je me bats contre le formalisme et pour la liberté. Je cherche un puzzle qui me ressemble pour assembler mes pièces aux siennes, on deviendrait une fresque surréaliste, se comprenant mutuellement face à l’ignorance et la bêtise du monde.

 

Ecoute les yeux fermés, comme ces chansons qui respirent en nous, qui laissent les traces et nous font trembler loin à l’intérieur. Parfois, mais trop rarement à mon goût, je ressens ta présence. Ton cœur bat ici quelque part, et le mien répondant à son appel tonne comme un orage calme, apprivoisé.

Le ciel tourne et l’éveil surgit, aveugle comme un mot inconnu, il nous surprend, nous écarte et nous entraîne la où nous sommes, si loin, si proche, avec nos bouches qui tremblent et nos joues qui flambent.

 

J’ai des yeux qui te regardent, et des phrases qui rêvent. Ai-je peur de me blesser, dois-je prendre plus de risques ? Recoller mes ailes et venir ?

Mes questions s’accrochent au vide de l’incertitude. Je suis la chenille qui hésite à être papillon…

 

jeudi 20 juillet 2000

 

Je suis à la lisiére des mondes. Quelque chose me reveille, alors mes yeux clos deviennent un univers en devenir, celui dont les astres murmures les mots stellaires d’un secret colporté… Mon audace demeure, frêle, brindille sentimentale qui se courbe sous le vent, l’incertitude, l’insatisfaction, lot quotidien rendu publique ici même.

 

Je me sens étranges ces temps-ci… Je ne sais pas encore si c’est bien ou mal. Je me sens ailleurs, perdu dans mon monde, attiré par ce qui n’est pas et repoussé par ce qui devrait être. Et dans ce rythme incessant, je voudrais me perdre en route ou me rendre compte que je suis déjà perdu dans une vie sans air, sans oxygéne.

 

Je n’ai de cesse de parler d’étoiles, de nuages, de maisons qui rêvent et d’opales qui glissent entre mes doigts. Chaque chose à un sens ou un double sens caché, puis j’aime bien donner du relief à ce qui peut paraître plat. J’aime le lyrisme, les images poétiques, la complexisté des choses entremelées dans une simplicité apparente. Je ne sais plus ce que je dois penser ou faire. Je me sens si faible et pourtant, quelque chose brille en moi, et si ce n’est de l’espoir qu’est ce ?

 

 

 

vendredi 21 juillet 2000

 

Boxing shadows in my sleep
It's the company I keep
The perfect exercise
As I grow older

        (Emiliana Torrini – Baby Blue)

 

J’adore cette petite Islandaise, Emiliana Torrini, que j’ai vu un jour à Paris. Elle est petite, a les yeux qui pétillent et puis elle a cette simplicité qui donne envie de la prendre dans ses bras et de l’aimer.

 

samedi 22 juillet 2000

 

L’eau à perte de vue embrume le smots qui, à prte de souffle écument nos vies, et le cœur, soulagé, repu, assoupi dans la brume, le long océan qui se tourne et s’étend, l’immense appétit, le ventre grandit et revient, inonde, enahit, et nous, le souffle léger, plantés la comme la pluie, le regard vers l’éternité, on s’apaise la vie et le long océan nous conduit…  (Les Hurleurs – Long Océan- Sur l’album Ciel d’encre)

 

Je connais une fille qui aime la pluie, elle est loin et possède en elle quelques nuages précieux et rares qui proviennent du bout du monde. Ses larmes ne sont pas salées comme toutes les larmes, mais ressemblent à une eau de pluie qui serait remontée dans le ciel pour y faire des flaques célestes où clapoteraient les anges.

Elle connaît le vertige de la nuit, celui qui monte et la fait trembler.

 

Viens voir que le ciel est beau, avec ce va et vient de planètes, une danse lumineuse qui allonge l’imaginaire, des étoiles par milliards s’étourdissent sur leurs orbites pour goinfrer nos yeux d’une blancheur scintillante et nous laisser des songes qui ne finissent pas.

 

Décroche toi de ton orbite, viens me voir une fois encore, j’ai des mots pour toi et un cœur qui bat …

 

21h17

« Ce qui importe, c'est que nous les garçons leur avons envoyé des signes d'amour et qu'elles ne nous ont pas répondu, préférant se retirer dans ce lieu où quelque chose manque et manquera à jamais.» (Virgin Suicides - Jeffrey Eugenides )

 

Tommy j’en ai bien peur, pense comme moi. Certes c’est plutot flatteur voir gratifiant de trouver écho à mes pensées, si ce n’était qu’elles sont si sombres avec peu de lueur d’espoir. A vrai dire je pense qu’il est encore plus noir que moi dans sa vision des choses, et qu’en somme il le vit plutot bien car il n’y a aucune lutte entre le bien et le mal, il est serein, pas plus expensif qu’il ne le devrait, confiné à une simplicité qui au final pourra le rendre heureux et lui faire récolter plus d’acquis qu’il ne le pense.

 

De mon côté j’ai rêvé d’Audrey la nuit dernière, nous parlions des doors et de la poésie de Jim Morrison, nous enchaînions les sujets et je découvrais quelqu’un de bien, mais après tout ce n’est qu’un rêve. Je suis décidément cerné par des fantômes, ma vie est belle mais illusoire. Je voudrais tant toucher quelqu’un physiquement, ne fusse qu’une main, un bras…ça me manque

 

« J'ai eu une enfance heureuse et, comme tout le monde, je pense, une adolescence plutôt triste. L'adolescence est une période très épique, tout est pur, fort, on prend conscience de l'amour, de la mort. C'est une période que j'ai eu envie de revivre avec la distance, même si ça ne remonte pas à si loin que ça, pour en apprécier les bonnes choses sans que la part désagréable ne vienne les gâcher» Sophia Coppola

 

Moi aussi cette adolescence me manque, je vois mon corps changer et je n’accepte pas ces changements, puis mon esprit plus fort, plus dur que je ne veux pas transformer et qui pourtant change. Suis-je en train de développer à un stade minimal le complexe de Peter Pan ? J’aimerais vivre en dilettante, jouir des plaisirs simples sans trop penser, aimer, oh oui, aimer sans en souffrir, sans principes moraux, en toute innocence avec ce qu’il faut de tendresse et de pureté pour ne rien salir, ne rien affadir. Alors je serais bien…Libéré que je serais, avec un sourire continuel comme certaines statues dans les parcs qui sourient aux passants et nous laissent rêveur pour un moment, jusqu’au bout de l’allée, la tête remplie de la blancheur d’un marbre ou d’un grés qui sourit.

 

 

Dimanche-lundi-mardi 25 juillet 2000

 

Tu seras seule
Quand je partirai
Tu essaieras de retrouver
Quelqu'un comme moi
Je reviendrai a des moments
Tu te detourneras de moi
Ce sera comme ca tout le temps

                                 (Dominique A)

 

Ce journal prend de plus en plus des allures d’herbiers poétiques, avec des petites citations par ci et des poémes par la, comme si je m’éssouflais ou comme si le seul moyen de m’exprimer était de montrer les textes d’un autre. Apres tout c’est sans doute cela…