Ensembles occlusifs

 

A regarder de si près ma vue se brouille, elle devient incomplète comme moi, se livrant à l’agonie précise des sens alors dissous. Nous en sommes là, revenons à ce goût d’avant les choses, un goût terrible qui terrasse les êtres, leur enlevant des pans de savoir-faire et de savoir-vivre. Ici le terrain s’accidente, les rêves tapissent encore un peu le sol froid qui résiste, on applique une nuance sous les pavés, ils se révoltent, sortent de leur gangue, s’érigent en glorieuses bosses, intimant la chute ou l’estocade animante.

 

Le ciel arrive, chavire dans nos yeux, se réclame et nous réclame le droit de partager les passions d’en-haut. Nous allons haut la face dirigée vers ceux qui nous laissent encore tomber. Les mots ainsi s’entrechoquent dans leur tristesse difficile, une onde passe, tremblante et mélancolique, une vive secousse qui rassemble les morceaux disséminés.

 

Je voudrais la serrer dans mes bras, retenir son souffle, le garder un peu, en faire un règne d’ardeur et de grandeur. Elle est mienne tant qu’elle sera vive, traduisant l’éclat d’un regard perçant, annonciateur des choses superbes, décisive dans sa nature sacrée, elle plante une attitude conforme aux rites éteints qui chavirent les âmes bien nées.

Sa bouche dispense les mots fautifs, la rupture et l’échec, les baisers ne se volent plus, ils se perdent quelque part dans les gares, retenant aussi la clameur nacrée d’un vent prenant, ce même vent qui emmène au loin les souvenirs indélicats autant que primordiaux, le vent n’a pas d’état d’âme, nous si !

 

Son nom ne se traduit pas, il n’existe pas ou plus, mon nom s’abrège et abroge une certitude maintenant irrévérencieuse. Je peine à le dire, à l’avouer, j’ai ces tristesses qui fleurissent lamentablement dans les caves de mon être alors absent. Pourtant à me rappeler ses délices maintenant fugaces, j’étrenne une nouvelle forme de nostalgie, irréelle autant qu’irrésolue. Tenir sa main une fois encore pour aller aussi loin que la nuit puisse aller…

 

Nous avions de ces rêves qui épuisent une vie entière.

 

Pourtant parler au passé me ternit, fait grandir un océan supplice et m’entraîne dans le ressac vengeur d’une houle massacrante. Le lyrisme m’étreint, j’étrangle en lui la beauté pour parfaire le crime. Nous sommes tous un peu criminels à nos heures.

 

Engloutir le serment, serrer les poings, ramener la raison à son point de départ, vésanie intangible qui broie les restes modiques d’une incalculable faculté d’aimer. Juste un point d’honneur à prouver son déshonneur total face à une vie qui m’adoube au grade méprisant d’errant partiel. Laissant mon cœur comme mort faire tout le travail, un travail de battage indiscret qui tonne et détonne dans une poitrine à jamais retenue.

 

Je cherche le rythme létal du sommeil qui pense, parfumé de rêve silencieux, s’oubliant vite et bien, je trouve alors source de déconvenue, abrogation des harmonies posthumes, libération des mœurs étranges, tout est redirigé vers la grave enchanteresse exfoliant nos esprits embarrassés d’idées idéalistes. Tout ceci me trouble et m’arrête là où il faudrait avancer. Le calme retient son souffle encore une fois, médite un moment, élabore une stratégie de fuite, revient en grandes pompes, ranime tout ce qui reste de moi !

 

C’est sa bouche que je ne vois pas, ses mains qui disparaissent et son regard qui trace, fidèle, les apparences d’une passion exaltée et pourtant définitive. Elle serait l’eau douce, le ciel tendu, la terre humide, la rosée pure, tout revient à elle sauf moi !

 

J’ai la fatuité de croire que j’en sais trop, pas tout mais trop, que rien ne saurait me sortir de ce marasme emphatique. Qui sait ?

 

Elle pense penser à moi, elle se trompe et me trompe, réalise enfin la douleur des images, le doute s’inscrit en elle, petit à petit l’écorce cède et mes pieds retournent à une autre direction moins franche mais plus radicale. Je l’aime encore et elle m’a t’elle aimée ?

On parle toujours d’amour parce qu’on ne le fait pas assez, on en parle alors avec des mots qui font mal, comme pour s’exorciser d’une passion barbelée, une envie stridente qui fait serrer les dents et fermer les cœurs. C’est quelque chose d’étouffant à la longue, se soustraire au plaisir du corps, aux faveurs d’un toucher, d’une caresse même furtive.

On se blinde, on échappe ainsi aux autres mais pas à soi même. Je cherche alors une cuirasse d’intérieur, quelque chose qui tient chaud et qui dure le temps d’une vie moyenne.

On va pouvoir sortir, protégé d’une maladie endémique, cloisonné dans une solitude admise mais virulente comme un poison efficace.

 

 

Se donner la main quand on est seul, alors se prendre en main, garder le songe d’une arrivée, d’un usage ou d’un abus nouveau. Fourberie de mise, tromperies en masse, courant alternatif d’une action descendante.

 

Se soustraire à l’attrait du baiser, garder cette langue roturière en mon palais, y inventer des pièges, apprendre les modalités de la morsure, serrer les lèvres, garder les mots, les impressions, les tensions, les choses qui coûtent quoi !

 

Je suis de consommation courante, tout le monde peut me voir.

 

Coincé dans les ébats d’une cuisine normale, retourné par les plats de résistance qui se débattent devant moi, puis le grésillement affolant, l’orage alimentaire qui fond et qui fonde les bases atroces d’une torture post-mortem. On s’acharne à cuire, recuire, congeler, surgeler, couper, découper, pour pas grand chose, bouillie nourricière aux relents connus et reconnu, vite éconduits dans les canaux certains des déjections coutumières. A partir de là, tout s’apprend et se laisse tomber à la ruine, au déclin de n’être rien.

 

Soutenu dans ma défaite d’être, je hante un merveilleux cerveau, plein de fiel et d’idées reçues en pleine tronche, des choses blessantes qui agressent, des récifs aiguisés qui amène à la soumission par peur de la douleur. On va vivre ces instants, aguerris d’un charisme notaire mais certain de boire la lie aventureuse d’une déconfiture plus que probable. Tout est déraisonné ici, je ne sais même pas pourquoi continuer. Le doute peut-être ?

 

L’automne s’empare des dernières couleurs, on va y passer aussi. Le jour décline, se couche, nous couche dans une nuit nouvelle et dominante. Une brise nous casse, nous ferme les yeux alors remplis de larmes, poisons amers qui retourne à elles-mêmes, source pérenne d’un désespoir en grappe, identique à celui qui fit couler tant d’hommes, tant de femmes. Je ne veux pas partir tout de suite, de dois encore l’aimer, prouver ce que je vaux et montrer ce que je veux. Il faut survivre pour cela, crier pour vivre, pour exister. En amour plus qu’en toute chose il faut se battre, même si ici c’est pas gagné d’avance.

 

Mais qui dit combat semble obligatoirement présenter la défaite de l’opposant, non, il doit s’agir d’un combat positif où chaque victoire est une victoire pour chacun, une fête de beauté qui nous donne les derniers rayons d’un sourire mérité. Il faut se donner avant de prendre, il faut mériter les choses que l’on envisage, tout est à nous mais encore faut il en être digne et question dignité j’ai sans doute du chemin à faire !

 

Combat fictif, pugnacité d’apparat, galerie des joutes et des rixes, on va en faire une stratégie, pire, un programme ! Allons, grouillez-vous amuseurs publics, saltimbanque professionnels de la passion amoureuse, on va s’y mettre, retroussons nos manches, le match commence, tous aux abris…

 

Personne ne parle, on va à la découverte d’un nouvel amour.

 

Le confort de la raison s’élargit, c’est peut être cela le bonheur, l’amitié, la gentillesse, toutes ces choses qui vous font vous sentir bien. Comme j’aime ces choses gratuites qui éloignent les désagréments lancinants ! Vaincre pour ne plus perdre, soumettre l’autorité vitriolique à un joug de la dérobade. Y classer ses craintes fautives à la plus haute strate, y oublier le songe enfoui, ralentir ce qui doit l’être, découvrir une fois encore l’harmonie de la joie, les bienfaits du cœur enfin libre de toute dépendance. Nous serons ouverts comme des corolles en suspend, un val d’odeurs qui se laisse griser de la propre onde, fragrance intime des plaisirs bucoliques.

 

On va parier sur le lancement d’un nouvel âge. Tout nous est dû, rentrons dans nos frais pour revenir aux états de grâce qui nous manquent tellement cruellement.

 

Il faudra se dépasser, courir au fond pour arriver premier, fendre l’écume, briser les vagues oblongues, au diable tsunamis, tourmentes et lames de fond. Vaincre le vieil océan dans une lutte acharnée. Parcourir le vide qui se remplit peu à peu, éteindre les fantômes qui veillent sur nos corps laminés de pensées stupides. Recourir à la force, l’envie de vaincre. Parvenir à vous séduire, mademoiselle des bons rapports, damoiselle des beaux regards, vous qui faite vibrer mon cœur d’un tintement interdit.

 

 

Maudit tintement, il résonne et fait se trémousser mes sens, calmez-vous vous dis-je, calmez-vous ! Ressaisissez-vous, l’insouciance vous guette et feront de moi une image renouvelée de la perte. Reconduire la machine dans une vie déformée, éconduire l’autre dans des facéties inégales. Ici le bien se laisse trop facilement filtrer, tout est à refaire, changer l’appareillage.

 

La nuit tombe et nous écrase, on fera mieux la prochaine fois. Encore se protéger, toujours se protéger, pour rentrer, pour sortir ou pour rester là. Quand est-ce que la vie nous fichera la paix ?

 

Dans un monde de caresses, les coups sont invités à l’envi, ils calment et clament une insistance à la folie vite adoptée, une richesse glauque qui s’abat et nous abat d’un coup de main experte. Cela nous arrive bien, un jour ou l’autre. Nous n’avons rien à faire mais tout à défaire, ceci tient à peu de mots, une lettre parfois, envoyée dont ne sais où !

On veut du rêve, on veut injecter le peu de songe d’une nuit dans la réalité qui se veut morne par intérêt.

 

Encore paraître bien, rengainer la mine fleurie, le sourire franc et la face dégagée. Faire son petit spectacle, être sans failles du moins sans faille visible. On devient vite expert en paraître dans ces parkings d’indigences spectaculaires. On ne doute pas, on sait toujours se qu’il se passe en nous, sauf quand ma machine, par trop immature, n’apporte plus son lot d’information, par méconnaissance ou caprice. Le corps a ainsi ses caprices qui nous versent dans des conjectures plus que compliquées, démentes parfois, on frôle l’asile de peu comme on frôle la mort, vous savez, celle-là promise à tous, celle qui rend égale le fou comme le roi, le bon comme le mauvais, l’égalité est à ce pris, à la fin tout sera dit !

L’état d’affection, un poste encore vacant

Amour poste restante

On va pas livrer le secret de fabrication

Ça coûterait trop cher…

Cicatrice comme épitaphe d’une violence vaincue, enfouie mais pas perdue pour autant, on y teint, on y revient, une violence qui conserve l’adresse du corps. On est toujours atteignable par quelque chose et plus souvent quelqu’un. Encore faut il voir du monde même si tout le monde nous voit. Dur paradoxe…

Restes discrets.

Se soumettre au temps d’avant. Allonger une fois de plus les calmes degrés d’inertie. Se correspondre en tout point, arriver à l’incroyable diversité réduite des êtres construits.

Je suis direct, mes esprits atteignent les sphères denses, les mots essaiment les derniers paradoxes acquis, la lame glisse et me rate de peu, rien n’y fait, on va se survivre encore et toujours.

 

Encore neuf, se lamenter, exécuter les paroles proches. Idées fixes sans mouvement, sans arrêt elles se lassent de n’être que le vestige d’un oubli aggravé. Ne surtout oublier… Quoi donc encore ? ? ?

 

L’attraper à la gorge et lui faire sortir tout cela.

Encore un peu d’ambition et nous seront prêt.

 

Distendre la marche funèbre entendue hier soir à la radio. Compléter le tout d’accord négatif sous une transition ambiguë. Je souffre encore un peu.

 

J’ai sans arrêt la bougeotte, aller de la table à mon lit, univers forclos des grands espaces intérieurs. Je voudrais te délivrer et te laisser partir. Ma tête rassemble les souvenirs délicats donc se lamente d’un futur proche sans doute sous doué pour un destin facile.

 

Soudoyer les grandes passions, les laisser respirer un peu avant de les noyer définitivement. Le plan s’éxécute sans peur et sans mépris, regagner au plus vite le royaume du bien, s’éclater dans les mondes rouges, atteindre, atteindre les surfaces condamnées, chaires sous louées, personne ne bouge, personne ne bouge .

 

Porte vitrée, s’en dégager. Nous sommes tous les sans-abris d’un monde à répétition. Tragique déclinaison, à revoir, à revoir. N’aurions nous du pas recommencer encore et encore ?

Il est trop tard

Pour regarder

C’est arrivé déjà

Perdre l’un plus que l’autre.