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Merde, j'espère que tu ne l'as pas
insulté. C'est Kevin Shipley.
Il m'a dit qu'il l'avait acheté en solde chez Barnes &
Noble et j'ai répondu que je me sentais profondément honoré
qu'il ait estimé en avoir eu pour son dollar quatre-vingt-quinze.
Prie le ciel qu'il ne rende pas compte du nouveau. Les touches
de son clavier sont des dents d'homme.
Ah oui ? Mais sur quoi se juche-t-il pour l'atteindre ?
Puisque j'ai, quant à moi, réussi à atteindre le
bar, j'en profite pour commander plusieurs cosmopolitans. J'en tends un
à Jeremy.
Ton problème, dis-je, c'est que tu ne bois pas assez. Où
est-elle, Blaine, d'ailleurs ?
Quand je l'ai perdue de vue, elle était en train de lécher
le cul d'un Hollywoodien. Un quelconque gnome de Sony Pictures.
Je suggère :
Allons rejoindre Phil. Tu arriveras peut-être à la
dérider.
Qu'est-ce qu'elle a, Philomena ?
L'amour de ma vie s'est montrée décidément
irritable, à cran. Je lui demanderais bien pourquoi, sauf que je
ne suis pas entièrement convaincu de souhaiter connaître
la réponse. Ce qu'il nous faut, c'est une cure d'ecstasy, quelques
comprimés et une longue nuit de vérité et de contact.
On manque de transports ces derniers temps. Pour ne rien dire du contact.
Par bonheur, quand je finis par la retrouver, on dirait qu'elle a subi
une transplantation d'humeur. Ravie de voir Jeremy, elle l'embrasse puis,
pour faire bonne mesure, m'embrasse aussi.
Je me présente à la séduisante jeune femme de couleur
avec laquelle Phil était en conversation et dont le nom me dit
quelque chose.
Je m'enquiers :
On se connaît ?
On ne s'est jamais vus. Je suis l'assistante de Chip Ralston.
Vous en avez de la chance, dit Jeremy.
J'étais en train de dire à Cherie, me dit Phil, que
tu fais un papier sur lui pour CiaoBella !...
Un photographe surgit de nulle part :
Philomena, une photo.
Ma statuesque âme sur se met en configuration sourire et tente
gauchement de me prendre le bras mais, timide que je suis, je dis :
Pose avec Jeremy, on essaie de le faire remarquer.
Je les pousse l'un contre l'autre et me lance à la poursuite de
l'assistante qui se retirait. Je l'interroge :
Chip est là en personne ?
Vous l'avez raté de justesse, dit-elle. Il reprend l'avion
pour L.A. ce soir mais je lui ai transmis votre message. Je suis sûre
qu'il vous appellera la semaine prochaine.
J'insisterais bien, il faut que je parle à cet enfoiré,
et pas plus tard que très vite, mais je m'aperçois soudain
que sa route va croiser celle de Jillian Crowe, ma patronne, formidable
reine du glamour ; or, si j'admire son sens de la mode et ses talents
de rédac chef, j'aime autant éviter Jillian pour le moment.
Revenant sur mes pas, je trouve Philomena occupée à taquiner
Jeremy à qui elle prédit une carrière dans le mannequinat.
Il y a des jours que je ne lui avais vu une telle verve, les perpétuelles
jérémiades de Jeremy tendant à déchaîner
chez ses interlocuteurs la plus étincelante bonne humeur.
Entretenue par une série de cocktails, l'euphorie de Philomena
qui d'ordinaire ne boit pas se prolonge jusqu'au petit matin ;
elle me surprend en acceptant de se joindre à un corps expéditionnaire
de gens de la mode pour une descente sur le Baby Doll Lounge, sordide
boîte de strip-tease de TriBeCa.
Partageant le taxi de trois fêtards satellites de la planète
Mode , elle s'assied sur mes genoux en sirotant le verre qu'elle s'est
débrouillée pour sortir en douce de la sauterie.
Je connais une blague, annonce-t-elle soudain.
Modèle enlève le
haut et affole le bar
Au Baby Doll, Philomena commande encore un cosmopolitan
et critique, non sans bienveillance, le physique des danseuses. Avec le
corps que Dieu lui a donné, elle peut se permettre d'être
généreuse. Au bout du compte, le dénommé Ralph,
que Philomena a présenté comme un « génie
de la coiffure », suggère qu'elle nous fasse voir ses
nichons. Le cri est repris par Alonzo qui s'est présenté
lui-même comme « folle de la houpette », ce
que Philomena a assorti d'une note en bas de page : « maquilleur »
puis par les tables voisines. À mon grand étonnement, elle
saute sur le bar et fait glisser le haut de sa robe jusqu'à la
ceinture, nous laissant plus qu'entrevoir la pleine lune de sa poitrine.
On en mesurera toute la perfection formelle si l'on considère que
je suis à deux doigts de tourner de l'il si l'on peut être
à deux doigts de tourner de l'il alors que je la vois presque
chaque jour de ma vie depuis trois ans. Tout gonflé de désir,
je tente, à force de caresses, de la convaincre de rentrer à
la maison sitôt qu'elle a sauté du bar. Mais Philomena est
déchaînée. Elle veut danser. Elle veut encore un cosmopolitan.
Pour la troisième fois, je me rends aux toilettes des hommes et
les trouve encore occupées.
Vous qui passez sans me voir
On continue à s'éclater, mais je
n'ai plus l'impression de participer, je suis plutôt sur la touche
à regarder Philomena s'amuser avec ses amis, bien que je danse
et que je picole autant que l'élite. Ça ne m'ennuie pas,
je suis content de la voir comme ça. Alonzo, fait comme un rat
lui aussi, me glisse son numéro de téléphone en disant
qu'il faudrait qu'on se revoie, un des ces jours. Je lui explique que
je suis très touché de son attention mais qu'il sonne à
la mauvaise porte. Il soulève un sourcil sceptique puis, très
haute couture, pose une main sur la hanche. Avec mon job pour un magazine
féminin essentiellement consacré à la mode, je me
heurte souvent à ce soupçon.
La belle humeur de Philomena s'éclipse pendant que j'ai le dos
tourné, peut-être vers le moment où Ralph me donne
sa carte en disant qu'il faut que je m'occupe de mes cheveux sans perdre
une seconde, ne fût-ce que par patriotisme.
On te laisse vraiment entrer dans les bureaux de CiaoBella !
avec cette touche-là ? Peut-être qu'il est bel et bien
hétéro, dit Ralph.
Quand nous montons dans le taxi, mon amour est devenue silencieuse et
pensive. Pendant que nous nous déshabillons pour nous coucher,
elle pare à toute éventualité en se déclarant
épuisée.
Pas de gouzi-gouzi pour toi, mon kiki.
C'est pas trop tôt
Le narrateur, affecté d'une légère
gueule de bois, le lendemain de la sauterie, aide Philomena à choisir
les tenues de son voyage un tailleur taupe Gil Sander très passe-partout,
un blouson Versace et des jeans déchirés pour l'avion, un
petit fourreau Nicole Miller très sexy pour l'audition, ainsi que
des jeans délavés et déchirés de rechange
et trois T-shirts d'un blanc immaculé. Et de seyants godillots
adaptés aux BTP ou à une partie de lèche-vitrines
à SoHo. S'il était plus attentif, le narrateur relèverait
sans doute certains indices, dans la confection du bagage, ou dans son
comportement, des signes que ce voyage pourrait bien être un peu
plus que ce qui a été annoncé ; mais il n'est
pas soupçonneux de nature et ses facultés d'observation
sont noyées par un brusque flux d'hormones. Quand, après
avoir essayé le fourreau, elle le fait glisser et lui demande d'aller
lui chercher une culotte dans son tiroir de lingerie, il est submergé
de désir pour cette chair drue et dorée sous le teddy.
S'il te plaît, implore-t-il. Rien qu'un tout petit peu.
Il lui rappelle que cela fait cinq jours, neuf heures et trente-six minutes.
Et qu'ils ne sont même pas encore mariés.
C'est vrai, ça, qu'on n'est pas encore mariés, hein ?
Aïe ! erreur tactique de sa part, cette allusion au mariage.
C'est un point sensible, une affaire qu'il a l'intention de se résoudre
à aborder de front depuis deux ans maintenant. Tandis qu'elle attend
qu'il lui pose la grande question, il attend, lui, d'être digne
d'un tel honneur ; il ne croit pas qu'une femme, et Philomena moins
encore qu'une autre, puisse vraiment vouloir atteler son brillant carrosse
à si piètre canasson. N'empêche que, pour une raison
mystérieuse, c'est ce qu'elle semble vouloir faire.
Tant qu'il reste un compagnon, un petit ami, il croit que son sort conserve
toute sa fluidité, que son statut inférieur n'est qu'une
phase de la gestation. Tandis qu'elle croit, elle, que le véritable
obstacle est le sentiment qu'il a de sa supériorité. Fort
heureusement elle ne pousse pas le sujet plus loin, encore que ce soit
peut-être avec cette absence de demande en mariage à l'esprit
qu'elle le contraigne à implorer à genoux.
En toute lâcheté, s'ensuivent force génuflexions implorantes,
pour la bonne forme. Mais profondément sincères et authentiques
de sa part. S'IL TE PLAÎT S'IL TE PLAÎT S'IL TE PLAÎT.
S'éprouvant comme le cur de cible de la récente pub d'une
marque de bière dans laquelle elle est apparue, ointe et luisante,
en bikini, il lui dit qu'il est prêt à tout. À japper
comme n'importe quel représentant de la gent canine qu'il lui plaira
de nommer et, s'il le faut, à se rouler par terre. Elle finit par
ôter le teddy et s'allonge sur le lit comme l'Olympia de Manet,
épanouie et hautaine, indolente odalisque.
Fais vite, ordonne-t-elle, et ne me sue pas dessus.
Le narrateur prend le peu qui s'offre, en consommateur reconnaissant.
Rémanence
Après, au lit, une larme unique apparaît
comme une gemme sur la joue de Philomena. Quand je lui demande ce qui
ne va pas, elle fabrique un sourire et secoue la tête.
T'en fais pas, dis-je.
Bien que je n'aie aucune idée de ce que j'entends par cette creuse
formule.
Moi-même plein de doutes quant à l'avenir, j'ai le sentiment
qu'il m'incombe de la rassurer, ma compagne, ma petite fille perdue, c'est
mon boulot.
Plus tard, un moment d'une mélancolie parfaite : je regarde
Philomena rassembler ses produits de beauté sur sa coiffeuse devant
le miroir brisé, la pénombre crépusculaire de la
chambre s'infusant des pulsations de la lueur rouge que hachent les lattes
du store dans notre demi-sous-sol. Ce rougeoiement sinistre est probablement
le signe d'une mort plus durable que celle que je viens de connaître ;
de l'autre côté de la rue, il y a une maison de retraite
devant laquelle des ambulances se présentent avec une certaine
régularité.
Ne pars pas, dis-je, dans un soudain accès de frayeur.
Je pars pas longtemps, dit-elle en se brossant les cheveux.
Je t'aime, dis-je.
Déclaration trop rare.
Elle me sourit dans un éclat du miroir.
Où ça, où
ça, où ça ?
Nous habitons le West Village, près du fleuve,
en bordure du quartier des abattoirs, assez loin vers l'ouest pour que
nous soient en grande partie épargnées les invasions wisigothes
des adolescents de province armés de hi-fi géantes. Par
les soirs d'été, flotte souvent dans la brise la puanteur
de chair pourrissante qui monte des poubelles des entrepôts ;
à l'obscurité, autour des abattoirs, les rues deviennent
le domaine des travestis et des véhicules en maraude de leurs michés ;
bien des nuits, nous sommes réveillés par d'épais
chuchotements et des grognements charnels venant de l'escalier, sous les
fenêtres de notre chambre. L'amour et la mort.
On trouve jamais de médaille sans revers dans l'immobilier,
à Manhattan, nous a benoîtement appris la fille de l'agence,
juste avant d'exiger dix-sept pour cent de notre première année
de loyer.
Réflexions post-coïtales
Tu médites sur l'étrangeté
du fait qu'en faisant l'amour à Philomena tu n'as pas cessé
de fantasmer sur une baise antérieure. Avec Philomena de sorte
qu'elle n'a pas de vraie raison de se plaindre, ce qui ne suffit cependant
pas à te faire envisager de t'en ouvrir à elle. C'est devenu
une presque habitude, cette évocation d'un épisode antérieur
de ta vie sexuelle, au moment même où tu en vis un autre,
comme si le souvenir possédait une vivacité qui ferait inexplicablement
défaut au présent physique. Comme si, disons, la poitrine
de Philomena, si délectable qu'elle paraisse dans la réalité,
n'acquérait son vrai pouvoir érotique qu'en imagination.
Mais pourquoi la réalité de la chair ne suffit-elle pas ?
Tu possèdes un répertoire de souvenirs sexuels et, avec
le temps, le moment que tu viens de vivre s'y ajoutera peut-être,
mais pendant que tu le vivais, tu ne l'as éprouvé qu'à
travers le filtre d'une expérience recyclée, un accouplement
estival derrière une maison de vacances, sur la plage d'Amagansett.
L'acte sexuel lui-même devenant, conformément à ce
modèle, la simple matière première d'un événement
esthétique.
Collatérale
Ma sur, Brooke, habite un minuscule appartement
à loyer social dans la réserve gérontologique des
alentours de Beekman Place. Je l'appelle, peu après avoir mis Philomena
dans une voiture pour l'aéroport, mais impossible de lui faire
décrocher son téléphone. Je sais qu'elle est là,
et qu'elle écoute son répondeur. Je le sais parce que je
suis le gardien de ma sur. C'est peut-être ma gueule de bois, à
moins que ce ne soit l'ambulance, qui m'a plongé dans une anxiété
morbide ; je n'en suis pas moins empli du sentiment de la fragilité
de la vie, de l'amour et du contrat social. L'imminence d'un malheur est
aussi palpable dans l'air qu'une menace de pluie. J'envisage d'appeler
la compagnie aérienne, pour m'assurer que l'avion de Phil n'a pas
de problème. Seulement voilà, je m'avise que j'ignore et
le nom de la compagnie aérienne et le numéro du vol.
Je choisis donc de gagner Hudson Avenue à pied, sous les ginkgos
jaunissants. J'attends un taxi, partageant le trottoir avec des pigeons
nocturnes qui remontent en direction du nord de Manhattan en se pavanant
comme des touristes corpulents.
À la porte de l'immeuble de Brooke, je tente de la tirer de son
trou, ce qui s'avère plus long que le trajet en taxi du bas de
la ville jusque-là. L'interphone s'anime enfin en crachotant. Elle
me télétransporte jusqu'à elle une fois que je me
suis fait reconnaître pour son unique collatéral. Poussant
la porte entrouverte, je la trouve au lit, occupée à lire,
les os saillants sous le drap, sa belle chevelure blond vénitien
en mal de shampoing. Quand je l'embrasse, son haleine a le creux relent
d'acétone de la famine, de l'organisme qui se consomme lui-même.
Je m'efforce de ne pas sembler inquiet.
Ils faisaient des tas distincts selon les parties du corps, dit-elle
pour m'accueillir. Les jambes sur un tas, les bras sur un autre. Certains
torses vivaient encore, sur un tas de torses de deux mètres de
haut. Leurs voisins. Des gens avec lesquels ils vivaient depuis des années.
En Bosnie ?
Au Ruanda.
Brooke est en train de lire des minutes du tribunal des Nations unies
sur les crimes de guerre. À la tête de son lit-bateau, elle
a fixé avec du ruban adhésif une carte de l'ex-Yougoslavie.
Sarajevo, Mostar, Srebrenica et d'autres villes martyres y sont encerclées
à l'encre rouge. Depuis peu, elle a entrepris l'étude des
atrocités récentes en Afrique centrale.
Fouillant les placards de la cuisine, j'y découvre un fond de pop-corn
Orville Redenbacher dans un bocal et un centimètre d'huile d'olive
dans un autre. J'en fais éclater un bol que je rapporte dans la
chambre pour le déposer d'un air détaché sur le lit
à portée de sa main délicate et semée de taches
de rousseur.
Comment va Doudingue ?
C'est ainsi que je surnomme le docteur Doug Halliwell, son impétrant
conjoint du moment. Doug pratique la chirurgie réparatrice au New
York Hospital où Brooke a fait sa connaissance aux urgences après
sa chute dans un escalier de l'université Rockefeller. À
mes yeux, il ne semble pas digne de l'attention de ma sur et moins encore
d'une quelconque partie de son anatomie, même raccommodée
par ses soins. Je suppose d'ailleurs qu'il ne s'est emparé d'aucune
pour le moment. Brooke se remet d'un mariage haut en couleurs, d'où
sa subite tolérance pour le beige.
J'aimerais que tu arrêtes de l'appeler comme ça. Doug
va très bien. Et comment va la femme sans tête ? Elle
a réussi à apprendre l'alphabet ?
Elle est à San Francisco en tournage. Et je te signale qu'elle
a pris Anna Karénine pour l'avion.
Tu es content de dire ça, hein ? En tournage. En extérieur.
C'est le jargon de l'industrie du glamour.
Alors disons qu'elle est en voyage d'affaires.
Est-ce que tu te rends compte qu'une des raisons pour lesquelles
les Hutu haïssent les Tutsi est que les Tutsi passent pour plus séduisants ?
Grands, le nez fin, la peau plus claire.
Tu penses que les secrétaires de l'agence Ford & Click
risquent de se soulever pour tuer tous les modèles ?
On dirait qu'elle voyage beaucoup depuis peu.
Et pourquoi pas ?
Hmmmm, fait-elle.
Brooke n'est pas fana de Philomena. Et vice versa. Phil dit de Brooke
qu'elle a la tête dans le QI, ce qui montre bien qu'elle est beaucoup
plus maligne que Brooke ne voudra jamais le reconnaître. Entre elles
deux, ma loyauté est mise à rude épreuve. Si je me
suis habitué au scepticisme de Brooke vis-à-vis de ma gonzesse,
ce soir, elle ne laisse pas de m'inquiéter. Mes côtes se
resserrent autour de mes poumons. Qu'est-ce que Brooke peut bien savoir
que j'ignore ?
Pourquoi ai-je toujours le sentiment que tout le monde est plus informé
que moi ? De fait, Brooke sait un tas de choses que j'ignore :
la différence entre les nombres naturels et les autres, la signification
du principe d'incertitude de Heisenberg, les théorèmes de
Gödel, le nombre probable des victimes de Banja Luca et des environs.
Ces derniers temps encore, Brooke travaillait à une thèse
de physique de troisième cycle à l'université Rockefeller.
Mais elle est entrée dans une parenthèse qui se prolonge,
paralysée par la dépression et une hypersensibilité
à la souffrance des hommes. Ma sur ressemble à ces enfants
qui vivent dans une bulle parce qu'ils sont nés sans système
immunitaire ; elle ne possède pas la membrane protectrice
qui, chez les autres créatures, filtre le bruit et la douleur.
Elle est tout entière poreuse.
Maman et papa pensent que cela est lié au fait qu'elle a été
témoin d'un meurtre à l'âge de sept ans. Et s'il est
vrai que cela suffirait à bousiller la plupart d'entre nous, Brooke
n'est décidément pas la plupart d'entre nous.
Je demande :
Et toi, comment s'est passée ta journée ?
Je vais à la pêche. Il y a forcément quelque chose
qui a cloché, à l'échelle de la planète ou
au niveau personnel.
Ma journée ? Voyons voir... pour commencer, j'ai vu
Jerry à la télé, il expliquait l'accélérateur
de protons à la nation reconnaissante.
Nous y voilà. J'ai découvert le petit pois sous le matelas,
le cheveu sur la soupe. Il y a peu encore, Brooke était mariée
à un jeune prodige, professeur à Harvard, Jerry Sakoloff,
auteur d'un improbable best-seller sur la physique quantique, qui fait
de fréquentes apparitions télévisées pour
expliquer les phénomènes subatomiques. Brooke était
l'élève de Jerry quand leur histoire d'amour a commencé,
l'ennui étant que Jerry ait continué de coucher avec d'autres
étudiantes après avoir épousé Brooke. Ou plutôt,
qu'il n'ait pas vu du tout pourquoi il aurait dû s'interrompre,
insistant au contraire pour amener ses conquêtes à la maison
faire copines avec sa femme. Difficile de dire ce qui la bouleverse le
plus, l'infidélité ou les passages à la télé.
Comment était-il ?
Charmant. Intéressant. Les cheveux et la cravate en désordre
pour avoir cette touche d'authenticité, le côté prof
distrait. Avant chaque passage à la télé, il bossait
sur sa cravate pendant vingt minutes ; le nud devait être
juste assez bas pour donner l'impression qu'il avait oublié de
le serrer jusqu'en haut. Et il se brossait les cheveux à mort,
avant de les ébouriffer avec les doigts tu sais, pour avoir l'air
du type qui s'est arraché les cheveux en méditant sur les
grands problèmes de l'univers.
Si j'avais été ici et pas au Japon, je ne t'aurais
jamais laissée l'épouser.
Tu ne m'aurais jamais laissée épouser personne.
Je pense effectivement que tu devrais te faire bonne sur. Dieu
sait que l'Église a besoin de toi.
Allusion à la religion de nos ancêtres, jetée aux
orties mais dont la marque est indélébile.
Faisant celui qui laisse ses regards errer à travers la pièce,
je tente de la persuader de manger le pop-corn par la seule force de ma
volonté. MANGE MANGE MANGE MANGE.
Quelles nouvelles des beaux, riches et célèbres ?
interroge-t-elle, tendant la main pour saisir un grain de pop-corn en
le pinçant entre le pouce et l'index.
Ils sont fabuleux, par définition.
Du coin de l'il, je la regarde introduire le grain éclaté
entre ses lèvres. MASTIQUE MASTIQUE AVALE AVALE.
Même ce jeune acteur, là, qui est mort ? Celui
qui a un drôle de nom hippie, demande-t-elle, la main de nouveau
dans le bol, et elle est bel et bien en train de mâcher ! Tu
le connaissais ?
Tu veux parler de River Phoenix ? Enfin, Brooke, ça
fait, quoi, des années. On est en 1996.
Et alors ? Excuse-moi, je ne suis pas très versée
dans la culture populaire.
Bon, d'accord, j'ai passé quelques heures avec lui à
l'Olive, c'est une boîte de West Hollywood, parce que je faisais
un papier sur sa copine. Tout ce que je peux dire, c'est que c'est déjà
miraculeux qu'il ait tenu le coup aussi longtemps.
Non mais tu t'es entendu ?
Seigneur, tu t'es entendu ? Comme si ce n'était
pas assez gênant que tu sois au courant de ces conneries. Si c'est
pas lamentable : le ton détaché pour exhaler ce petit
nuage empoisonné de ragots d'initiés.
En même temps, tu t'inquiètes de ce que Philomena semble
effectivement faire beaucoup de voyages depuis quelque temps. Et comment
se fait-il qu'elle n'ait pas su où elle allait descendre ?
Ou, si elle le savait, pourquoi ne t'a-t-elle pas laissé son numéro ?
Eh là, minute c'est ridicule, tout ça. Tu as confiance
en elle, non ? Bon, oui, en général, encore que tu
ne puisses totalement ignorer l'infime picotement de soupçon, de
frayeur, qui parcourt tes poils, sur la nuque.
Anorexie, quand tu nous tiens
Une fois que Brooke s'est attaquée au pop-corn
pour de bon, je retourne à la cuisine réchauffer une boîte
de bouillon de poulet aux vermicelles Campbell. Je lance :
Miam-miam, c'est bon. Exactement comme les boîtes qu'ouvrait
maman.
Mais non, en fait, j'y pense, maman s'en remettait à Daisy, la
bonne, pour les grosses tâches ménagères. Quoi qu'il
en soit, je verse le liquide nourrissant dans une grande chope aux armes
de Harvard et l'emporte sur un plateau en plastique, avançant avec
précautions afin de ne pas effrayer la proie. La démarche
de ma sur quand il s'agit de manger rappelle assez celle d'un chien perdu
que nous avions adopté, enfants, et qui était si accoutumé
à voler ses aliments qu'il ne pouvait se résoudre à
manger si quiconque le regardait. Toute référence directe
à l'alimentation l'en dégoûte pendant plusieurs jours.
Et bien sûr, nous ne sommes pas autorisés non plus à
prononcer le nom de sa maladie. Voilà quelques années, parvenue
au plus bas de l'amaigrissement, elle me dit que la perte de poids moyenne
parmi les habitants adultes de Sarajevo au bout de mille jours de siège
était de dix kilos, conférant ainsi à son jeûne
une dimension symbolique. Mais le siège est fini depuis longtemps
et, d'ailleurs, c'est depuis la guerre du Vietnam qu'elle n'a jamais cessé
de s'affamer par à-coups.
Vers la fin de son union avec Jerry, elle s'est mise à se couper
de petites incisions au rasoir sur les bras et les jambes.
Ascendants directs
T'as eu les parents, récemment ?
Si elle ne mange pas, à proprement parler, la soupe, Brooke est
en train de souffler dessus, c'est bon signe.
Papa a appelé, il y a quelques jours, répond-elle.
Et alors ?
Bizarrement, je trouve ça rassurant... le bruit des glaçons
contre le verre.
Je corrige :
Le cristal.
Il faut quand même porter à leur crédit nos
parents qu'ils sont le seul couple d'Amérique qui tienne encore
au bout d'une quarantaine d'années.
Absolument.
Notre père possède dans le centre de la Floride des orangeraies
que lui a laissées son père, lequel, à l'âge
de cinquante ans, avait revendu sa charge à la bourse de New York
pour aller au soleil. Le domaine rapporte juste assez pour que mon père
ne manque ni de bourbon, ni de chemises Brooks Brothers, ni des « grandes
sélections du Grand Livre du Mois » jusqu'à la
fin de ses jours. Exactement assez pour avoir anéanti chez lui
toute velléité de gagner sa vie à la sueur de son
front. Pas assez pour qu'il nous reste quoi que ce soit une fois acquittés
les droits de succession. Tous les deux ou trois ans, papa vend deux hectares
pour financer un voyage en Europe. Bref, qu'on ne s'inquiète pas,
la perspective d'un héritage ne fait pas de moi un enfant gâté.
Papa lit les classiques Grisham, Clancy et Crichton , joue au tennis
et garde un il tendre et paternel sur les oranges. Maman lit de la poésie,
peint des paysages et se pique le nez à petites gorgées.
Cummings est son poète préféré, Bonnard son
héros de la palette, Pernod son breuvage favori du moment.
Les orangers ne requièrent pas vraiment un labeur acharné.
Ils poussent pendant qu'on dort, pendant qu'on boit, pendant qu'on joue
au tennis, pendant qu'on peint, pendant qu'on fait la sieste. Et ils poussent
toujours quand on se réveille pour préparer un nouveau cocktail.
Deux fois par an les saisonniers viennent pour la cueillette et, parfois,
un coup de froid soufflant du nord nécessite la mise en place de
braseros et la confection de cocktails particulièrement corsés.
Comme par hasard, l'oranger est monoïque, sa fleur contient les organes
des deux sexes c'est le plus paresseux des arbres fruitiers.
Contrairement à Brooke, mes parents ne s'inquiètent pas
assez. Les muscles de l'inquiétude sont entièrement atrophiés.
Chaque automne ils viennent passer une semaine à New York. Plus
que quelques jours et ils débarqueront pour fêter Thanksgiving
avec nous, ici, dans la grande ville. Et glou et glou et glou !
Comment les gens peuvent-ils vivre ensemble pendant des années
et se mettre d'un seul coup à massacrer leurs voisins ? demande
Brooke. Qu'est-ce qu'il leur arrive ? Le jugement moral est équipé
d'un interrupteur, ou quoi ?
C'est du Ruanda qu'il s'agit, là ?
C'est bien ça qui est déprimant, justement. La situation
est exactement la même dans les deux pays.
En peine de commentaires, je porte la chope à ses lèvres
en l'inclinant vers elle. On s'efforce de la distraire de ses idées
fixes, même quand tout va pour le mieux. Quand ma sur ne déprime
pas, elle parle des réseaux binaires booléiens et des symétries
icosaédriques avec un enthousiasme qui appelle le bâillon.
Ma sur, mon si beau garçon manqué de sur, dont le QI évoque
la température au sol de la planète Vénus.
Le Mont Olympe
Je m'éclipse pendant que Brooke regarde
une édition spéciale de Nightline consacrée aux crimes
de guerre et m'arrête devant un distributeur pour tirer deux cents
dollars, ce qui laisse un résidu de trois cent soixante et onze
dollars et des poussières. Faut que je demande une avance au journal.
De la rue, je décide d'appeler Jeremy comme complice possible de
la suite, quelle qu'elle soit. Le message de son répondeur dit :
« Bonjour, si je ne suis pas sorti, c'est que je filtre avant
de décrocher. Si vous êtes prêt à courir le
risque d'être éconduit, allez-y, laissez un message après
le bip. »
Je me présente comme un des membres de la commission chargée
de distribuer les bourses MacArthur.
Si vous décrochez dans les dix secondes, vous vous verrez
attribuer une bourse annuelle de soixante mille dollars, exemptée
d'impôts, pendant cinq ans, en récompense des services que
vous avez rendus à la littérature mais seulement si vous
répondez immédiatement.
Ça doit vouloir dire quelque chose que vos amis et vos parents
refusent de prendre vos communications.
De là, taxi jusqu'au Mont Olympe, où le portier en smoking
semble, lui au moins, enchanté de me voir.
Mais comment allez-vous, monsieur ?
Sa bonhomie est telle que je me sens obligé de lui filer cinq dollars
en sus des quinze de l'entrée.
Je pénètre dans un univers de globes jumeaux, paradis de
silicone. Dans l'antiquité, on se le rappellera peut-être,
des blocs de marbre étaient arrachés aux alentours de Carrare
pour être taillés et polis à l'image de divinités ;
aujourd'hui, c'est dans la chair vive que la main du chirurgien et de
l'entraîneur personnel sculpte des formes de déesse. Voyez,
c'est Cassandre à la chevelure sombre comme le vin, qui danse nénés
à nez avec un petit chauve. Et Déméter déployant
ses trésors devant trois hommes d'affaires japonais hypnotisés.
Kirei, desu ne ? Mais où donc est ma déesse personnelle
à moi, la céleste Pallas ? Une hôtesse en jarretelles
blanches qui ne m'est pas connue m'accueille et me conduit à une
table. Je me faufile derrière les hommes d'affaires japonais
zut, j'emboutis l'homme d'affaires japonais qui renverse son verre sur
son costume bleu marine. Domo summimasen.
Enfin je la repère, à trois tables de la mienne, dansant
pour un mortel d'un certain âge vêtu d'un costume sombre à
fines rayures. À cette distance, la peau dudit semble couverte
d'écailles sous ses rares touffes de cheveux et je ne suis pas
loin d'être sûr qu'il a des cornes. Sous mes yeux horrifiés,
Pallas ondule de plus en plus près, ses seins cent pour cent naturels
une rareté plongeant à quelques centimètres de
l'immonde créature. Soudain, le spectacle est occulté par
une étendue de paillettes bleues.
Bonsoir, je m'appelle Isis. Vous avez envie que je danse ?
Elle est très jolie, café au lait, avec une longue chevelure
d'obsidienne et non pas la tête hérissée de mèches
en rangées de maïs comme on aurait pu s'y attendre chez une
déesse de la fertilité. Je ne suis pas à l'aise de
devoir l'éconduire, tout en sachant qu'elle se fait dans les mille
dollars chaque soir et ne risque guère d'y voir une offense à
sa personne. Tel est le principe qui est à l'uvre ici : faire
semblant que tout cela est personnel. Comment dire non à une belle
fille qui désire danser nue pour vous et vous seul ? Principe
assez efficace, tout bien considéré. Mais si je ne parviens
pas à conserver mes fonds, à vingt dollars la danse, je
risque d'être lessivé en dix minutes, et j'ai fait serment
d'attendre la divine Pallas. Où est le bon temps des bals à
« cinquante cents la danse » ?
L'hôtesse me soulage de ma carte de crédit. Merci, elle commençait
à peser dans ma poche. Fauché ou pas, je serais encore prêt
à donner cent dollars à celui qui s'engagerait à
détruire la totalité des enregistrements existants de « Do
Ya Think I'm Sexy ? » de Rod Stewart, au son duquel s'agitent
pour le moment une dizaine de bassins et deux dizaines de glandes mammaires
en des paraboles simulant la séduction.
Je considère les autres hommes. Tas de pauvres types. En groupe,
ils s'enhardissent, ricanent et échangent des clins d'il, agitant
leur tête cornue avec une nonchalance affectée, mais les
solitaires sont aussi timides et solennels que des fans de rock japonais,
ne sachant trop que faire de leurs mains ou de leurs muscles faciaux.
Ils sont, en un mot, ridicules. Et je suis l'un d'entre eux. Assis à
nos tables, nus de désir, dans nos vêtements ineptes en l'occurrence,
nous sommes des pénis affublés de costumes de laine et de
cravates de soie. Voyeurs aveugles, quelque chose nous dit vaguement que
nous sommes les dindons de cette farce. Vous imaginez ce qu'elles disent
de nous, les danseuses ? Dieu merci, notre verre est arrivé.
Nous en engloutissons une moitié avant qu'il touche la table. Une
autre danseuse ondule jusqu'à nous :
Bonsoir. Je m'appelle Aurore, et vous ?
Curriculum vitae
Le narrateur s'appelle Connor McKnight. Coucou,
c'est moi. Moi, c'est Connor. Trente-deux ans deux tiers et pas vraiment
de raisons de s'en réjouir. Attendant encore d'attaquer sa vie
d'adulte. À qui la faute, à lui, ou à la vie ?
Il pourrait en accuser ses parents, peut-être ; bonjour l'originalité.
À moins que le vrai problème n'ait été les
sept ans qu'il a passés au Japon. D'abord à Kyoto, pour
étudier la littérature japonaise, gros investissement de
temps et à haut risque dont la valeur douteuse s'est effondrée
à l'instant où il a décidé de tout arrêter,
la veille de son doctorat. Puis dans un monastère zen de Kamakura,
où il comptait ses respirations.
J'ai bien l'impression d'avoir loupé quelque chose pendant que
je devenais japonais. C'est d'ailleurs ce qui m'a ramené au pays,
la vague inquiétude que j'étais en train d'y louper quelque
chose. « Do Ya Think I'm Sexy ? » de Rod Stewart,
peut-être ? Nenni. Cette foutue saloperie a été
pour ainsi dire la B.O. de mon séjour nippon, elle passait dans
les « snacks » de Roppongi dissimulés dans
les étages, dans les bars de Shinguku, au bureau des étrangers
où j'allais renouveler mon immatriculation tous les six mois, piaulement
éternel du moustique dans l'obscurité moite d'une chambre
en été, semblable à ces crincrins des dessins animés
de la Warner qui ne s'interrompent même pas quand Elmer ou Sylvestre
le Chat ont pulvérisé la radio à coups de masse puis
démoli le haut-parleur qui chante toujours avant de le balancer
au fond d'un puits... peine perdue, on entend encore faiblement nasiller
le Rodster à l'horrible tignasse.
J'ai un job, si on veut. Ce job a un nom : Ça Paiera Toujours
le Loyer En Attendant Que J'Écrive Mon Scénario Original
Tout Entier Préoccupé de Beauté et de Vérité.
Il a un contenu : rédiger des articles sur les célébrités
pour CiaoBella ! magazine féminin destiné aux moins
de trente-cinq ans. Une bonne part du magazine est consacrée à
prescrire à nos lectrices ce qu'elles doivent porter et la façon
de s'y prendre pour piéger les mecs. Je suis quant à moi
l'hagiographe de leurs saints ces hommes et ces femmes qui, en simulant
la vraie vie sur le grand et le petit écran, sont transubstanciés
en êtres bien plus réels que ceux qui les regardent.
La nouvelle ontologie
Dans la nouvelle ontologie, rien n'existe avant
d'avoir été reproduit sur pellicule. (Ou sur support magnétique.)
Connor McKnight, expert en ontologie
Je ne prétendrai pas que c'est un travail
harassant de vérifier la réalité des nouvelles idoles,
de décrire leurs habitudes alimentaires et leurs rites relationnels.
Je projette d'ailleurs la mise au point d'un programme qui réduira
considérablement le nombre de touches à actionner pour que
l'ordinateur vomisse ces données, me laissant ainsi plus de temps
libre encore à gaspiller que je ne le fais déjà.
Cela devrait être simple, le genre présentant très
peu de variables. Mon traitement de texte contient déjà
des « macros » pour des phrases entières
telles que : « fuit aussi souvent que possible les feux
de Hollywood pour retrouver la qualité de la vie en famille dans
son immense ranch des environs de Livingston dans le Montana »
(CTRL, Mont). Ou encore « Ça m'a appris ce qui compte
vraiment dans la vie. La gloire, le fric, les limousines je vous les
laisse. Non, quoi, être un bon père/une bonne mère,
c'est plus important pour moi que n'importe quel rôle dans n'importe
quel film » (ALT, enfant). Et l'increvable : « Vous
savez, je ne me suis jamais trouvée jolie. Je ne me vois vraiment
pas comme un sex symbol. Quand je me regarde dans la glace, c'est plutôt
Hou là là, je suis affreuse ! (MAJ, Moi, sexy ?).
Là, on reste dans l'élémentaire. Ce qu'il faut, c'est
un programme graduant la tonalité des articles de 20 (massacre
à la tronçonneuse) à 1 (pipe, en avalant). Introduction
du numérique dans le journalisme. Dans mon cas, comme dans celui
de la plupart des magazines glamour, il faudrait avant tout une application
par défaut. (« Malgré son image de dur, *** n'aime
rien tant qu'une soirée tranquille à la maison à
bouquiner de la poésie. »)
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